Pour des routes plus vertes
Quelle sensation de légèreté de rouler sur de l’asphalte neuf! Le bruit dans l’habitacle devient soudainement blanc et apaisant, voire rose pour certains. La suspension peut enfin se reposer, tout comme les passagers. Mais ce confort coûte combien à notre planète?
Par Stéphanie-Élizabeth Le Sieur
Bitume 101
Commençons par analyser sa matière grise. Quand on dissèque un petit bout d’enrobé bitumineux, on y trouve 95 % de granulats (gravier, pierre concassée) et 5 % de colle (le plus souvent du bitume).
Le bitume agit en effet comme de la colle avec le granulat grâce à son effet liant et visqueux. En tant que produit pétrolier, il soulève toutefois des questions environnementales. Le bitume aurait-il un substitut plus vert et plus durable?
Le Laboratoire sur les chaussées et matériaux bitumineux (LCMB) de l’École de technologie supérieure (ÉTS) s’intéresse à cette question. « Nous testons actuellement des liants naturels, comme la lignine qui se trouve dans toutes fibres végétales, pour remplacer partiellement le bitume », explique Alan Carter, professeur au Département de génie de la construction à l’ÉTS et responsable du LCMB.
L’ingénieur-chercheur a testé à peu près toutes les huiles végétales qui existent. L’huile de colza avait démontré de bons résultats, mais l’explosion de la demande dans l’industrie agroalimentaire a fait augmenter son coût. « Plusieurs paramètres doivent être pris en compte quand on teste un liant naturel. Il importe aussi de considérer l’impact environnemental de sa production ou de son extraction », ajoute Alan Carter.
Il étudie également le biochar, issu de la biomasse végétale, pouvant piéger le CO₂. La lignine extraite lors de la production du papier Kraft et le recyclage du plastique à usage unique pourraient aussi trouver leur place sous nos roues. Des planches d’essais se retrouvent dans plusieurs villes de la province. Accélérer la transformation de l’industrie des infrastructures de transport pour soutenir la transition vers une société plus écologique et une économie circulaire résume bien la mission du LCMB.
Notre climat nordique reste le plus grand obstacle, puisque le froid fragilise souvent la colle de substitution. Même constat pour le recyclage de nos vieilles routes.
« Chaque fois qu’on recycle une route, elle perd un peu de sa souplesse. En trouvant les bons agents régénérants, nous pourrons recycler nos routes à l’infini », confirme Alan Carter.
Le Laboratoire sur les chaussées et matériaux bitumineux de l’École de technologie supérieure teste actuellement des liants naturels, comme la lignine qui se trouve dans les fibres végétales, pour remplacer partiellement le bitume.
Le Laboratoire sur les chaussées et matériaux bitumineux de l’École de technologie supérieure teste actuellement des liants naturels, comme la lignine qui se trouve dans les fibres végétales, pour remplacer partiellement le bitume.
Du biochar, issu de la biomasse végétale et pouvant piéger le CO₂, pourrait aussi trouver sa place sous nos roues.
Du biochar, issu de la biomasse végétale et pouvant piéger le CO₂, pourrait aussi trouver sa place sous nos roues.
Entre un enrobé avec liant clair et un enrobé bitumineux, le contraste de couleur saute aux yeux.
Entre un enrobé avec liant clair et un enrobé bitumineux, le contraste de couleur saute aux yeux.
Innover pour demain
Il est également possible d’utiliser de l’enrobé bitumineux – de l’asphalte – recyclé dans les routes, soit de recycler une route dans une route. Malheureusement, il est seulement permis d’en utiliser 20 % au Québec. Les appels d’offres publics devraient d’ailleurs considérer l’empreinte carbone en imposant déjà un minimum de matériaux recyclés. Le granulat se trouve en grande quantité au pays, mais il demeure une ressource non renouvelable. Dans certains pays, l’enjeu est tout autre si bien qu’ils doivent en importer.
La teinte noire du bitume donne un aspect foncé à nos routes. Les liants clairs naturels pourraient permettre de créer des routes de couleur miel ou sable qui reflèteraient mieux la lumière et réduiraient les îlots de chaleur, en plus d’améliorer la visibilité.
« Certaines planches d’essais avec de la couleur existent déjà à l’heure actuelle. Les possibilités sont vastes », s’enthousiasme celui qui est passionné par son domaine.
Innover pour demain
Il est également possible d’utiliser de l’enrobé bitumineux – de l’asphalte – recyclé dans les routes, soit de recycler une route dans une route. Malheureusement, il est seulement permis d’en utiliser 20 % au Québec. Les appels d’offres publics devraient d’ailleurs considérer l’empreinte carbone en imposant déjà un minimum de matériaux recyclés. Le granulat se trouve en grande quantité au pays, mais il demeure une ressource non renouvelable. Dans certains pays, l’enjeu est tout autre si bien qu’ils doivent en importer.
La teinte noire du bitume donne un aspect foncé à nos routes. Les liants clairs naturels pourraient permettre de créer des routes de couleur miel ou sable qui reflèteraient mieux la lumière et réduiraient les îlots de chaleur, en plus d’améliorer la visibilité.
« Certaines planches d’essais avec de la couleur existent déjà à l’heure actuelle. Les possibilités sont vastes », s’enthousiasme celui qui est passionné par son domaine.
Entre un enrobé avec liant clair et un enrobé bitumineux, le contraste de couleur saute aux yeux.
Entre un enrobé avec liant clair et un enrobé bitumineux, le contraste de couleur saute aux yeux.
Un chemin à tracer
Les routes du Québec nous en font voir de toutes les couleurs avec leurs cônes orange et leurs nids-de-poule. Ses rides témoignent de nos choix collectifs en matière d’infrastructure. Elles évoquent également le passage du temps, le roulement des saisons et les conséquences de notre climat. Et si les décideurs politiques écoutaient un peu plus la science et ses solutions envisagées pour rendre la construction routière plus durable…


