Livreurs, pompiers, transports, pompes funèbres… Au début du XXe siècle, tout le monde avait besoin du cheval! Y compris le Dr Richard Hardisty, qui, lui, soigne les humains. (Photo Fonds de la famille Worthington, Musée d’histoire de Sherbrooke)

Livreurs, pompiers, transports, pompes funèbres… Au début du XXe siècle, tout le monde avait besoin du cheval! Y compris le Dr Richard Hardisty, qui, lui, soigne les humains. (Photo Fonds de la famille Worthington, Musée d’histoire de Sherbrooke)

Cher M. Hist,

Je me demandais depuis quand y a-t-il de la médecine vétérinaire à Sherbrooke?

Gabrielle

Chère Gabrielle,
Voilà une excellente question! C’est que la santé des êtres humains et celle des (autres) animaux est étroitement liée. Nos villes du passé n’étaient-elles pas des communautés d’hommes et d’animaux?

Jusqu’aux premières décennies du 20e siècle et la montée en popularité des animaux de compagnie (chiens, chats, oiseaux), les vétérinaires apportaient la plus grande partie de leur attention aux animaux de ferme, comme les vaches, chevaux et porcs. Ici, le Dr Grignon vous propose une «manière de lever une vache»: maintenant, vous saurez! (Photo Dr W. Grignon, Le Petit Livre d’or du Cultivateur. Traité de médecine vétérinaire, Montréal, 1934, Collection du Musée d’histoire de Sherbrooke)

Jusqu’aux premières décennies du 20e siècle et la montée en popularité des animaux de compagnie (chiens, chats, oiseaux), les vétérinaires apportaient la plus grande partie de leur attention aux animaux de ferme, comme les vaches, chevaux et porcs. Ici, le Dr Grignon vous propose une «manière de lever une vache»: maintenant, vous saurez! (Photo Dr W. Grignon, Le Petit Livre d’or du Cultivateur. Traité de médecine vétérinaire, Montréal, 1934, Collection du Musée d’histoire de Sherbrooke)

Revenons d’abord au 19e siècle, une époque où l’idée même de «clinique vétérinaire» ferait sourire. Les soins aux animaux reposaient alors sur des éleveurs débrouillards, des maréchaux-ferrants habiles de leurs mains, et parfois même quelques guérisseurs improvisés aux remèdes maison dont l’efficacité tenait autant du miracle que du hasard.

La situation change en 1866, lorsque Duncan McEachran fonde le Montreal Veterinary College. Pour la première fois au pays, on forme officiellement des médecins… pour les chevaux et leurs compagnons de ferme. En 1877, l’école ouvre même une section francophone, un tournant important qui permet à de jeunes Canadiens français de s’initier à une profession qui deviendra rapidement essentielle.

Justement à l’époque, les gouvernements commencent à s’inquiéter: maladies contagieuses, hygiène des abattoirs, inspection des viandes, pasteurisation du lait… tout cela exige des spécialistes.

S’il se trouvait certainement des médecins spécialisés dans les soins animaliers bien avant cela, le Dr G. V. Provost est l’un des premiers vétérinaires à publier une annonce dans le journal local dans les années 1870. (Photo Le Progrès, 30 juin 1876)

S’il se trouvait certainement des médecins spécialisés dans les soins animaliers bien avant cela, le Dr G. V. Provost est l’un des premiers vétérinaires à publier une annonce dans le journal local dans les années 1870. (Photo Le Progrès, 30 juin 1876)

Et Sherbrooke dans tout ça? Eh bien, notre ville n’a pas tardé à emboîter le pas. Le tout premier vétérinaire identifié chez nous remonte (au moins!) à 1876: il s’agit du Dr G. V. Provost. On le retrouve d’abord sur la rue Grove (aujourd’hui de la Cathédrale), puis à divers emplacements dans le centre-ville, toujours près des hôtels et des gares.

L’Hôtel Continental (ici photographié vers 1920) est l’un des lieux où l’on retrouve une grande partie des médecins vétérinaires, souvent stationnés dans les hôtels de la ville, proches des centres de transit des voyageurs. (Photo Fonds Doug Gerrish, Musée d’histoire de Sherbrooke)

L’Hôtel Continental (ici photographié vers 1920) est l’un des lieux où l’on retrouve une grande partie des médecins vétérinaires, souvent stationnés dans les hôtels de la ville, proches des centres de transit des voyageurs. (Photo Fonds Doug Gerrish, Musée d’histoire de Sherbrooke)

Pourquoi les hôtels? Sans doute parce que le vétérinaire de l’époque était un professionnel en mouvement. On le consultait entre deux déplacements, et il partait ensuite à cheval – évidemment – visiter les fermes environnantes.

Cette façon de faire n’est pas unique au Dr Provost: plusieurs vétérinaires de la fin du 19e siècle installent littéralement leur «bureau» dans les hôtels sherbrookois. Le Dr Frank Barton reçoit ses clients à l’Hôtel Albion, tandis que les Drs Sylvestre et Trudel consultent à l’Hôtel Continental. Pas de salle d’attente avec aquarium ni de croquettes pour récompenser les patients sages: on était dans un tout autre monde, où l’essentiel des soins se faisait sur la route.

Le Dr Lionel Gendreau n’est pas seulement un pionnier de la médecine vétérinaire, c’est aussi une figure de premier plan pour l’Exposition agricole de Sherbrooke. Il a même été le président de l’E.T.A.A. (Easter Township’s Agricultural Association, qui organise l’Exposition). (Photo Programme souvenir Expo Sherbrooke 1885-1985, Sherbrooke 1985, Collection du Musée d’histoire de Sherbrooke)

Le Dr Lionel Gendreau n’est pas seulement un pionnier de la médecine vétérinaire, c’est aussi une figure de premier plan pour l’Exposition agricole de Sherbrooke. Il a même été le président de l’E.T.A.A. (Easter Township’s Agricultural Association, qui organise l’Exposition). (Photo Programme souvenir Expo Sherbrooke 1885-1985, Sherbrooke 1985, Collection du Musée d’histoire de Sherbrooke)

Mais qu’en est-il de la première vraie clinique, celle qui ne se contente pas d’offrir un coin de table dans un hôtel? Il faut attendre le tournant des années 1930, et c’est un certain Dr Lionel Gendreau qui ouvre la voie. «Spécialiste des chiens et chats», Gendreau s’installe à Sherbrooke en 1931. Et surtout, il fait quelque chose de nouveau: il ouvre un lieu de consultation spécialement consacré aux soins des animaux, qu’il présente fièrement comme un «hôpital vétérinaire». Voilà enfin l’ancêtre des cliniques vétérinaires sherbrookoises!

L’hôpital vétérinaire du Dr Gendreau (encadré en rouge) est une institution présente pendant près de quatre décennies au centre-ville! (Photo Plan d’assurance-incendie de la Ville de Sherbrooke en 1953)

L’hôpital vétérinaire du Dr Gendreau (encadré en rouge) est une institution présente pendant près de quatre décennies au centre-ville! (Photo Plan d’assurance-incendie de la Ville de Sherbrooke en 1953)

Elle se trouve au 14 de la rue Front, une voie qui longeait jadis la rivière Saint-François avant de disparaître avec la construction du boulevard St-François au milieu du siècle dernier.

En 1938, l’hôpital déménage sur la rue Wellington Sud, où il restera près de 40 ans, devenant un repère pour toute une génération de Sherbrookois… et leurs compagnons à poils, à plumes et à sabots.

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    Cynthia Beaulne, La Tribune

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