Avant les hôpitaux, histoire des hospices
de Sherbrooke

Bonjour M. Hist,
Est-ce que Saint-Vincent est le premier hôpital à Sherbrooke?
Sophie
Chère Sophie,
Une question en peu de mots qui nous permet de faire un long détour dans les balbutiements locaux des soins de santé.
Il est vrai que l’hôpital Saint-Vincent est ancré dans l’histoire de la ville et a joué un rôle majeur dans les soins de santé. Cependant, il nous faut remonter un peu plus loin dans le temps pour trouver notre premier hôpital.
Pour comprendre l’origine des soins hospitaliers à Sherbrooke, il faut revenir à l’année 1872, lorsque le premier curé et vicaire général de Sherbrooke, Alfred-Élie Dufresne, ressent la nécessité d’offrir un refuge aux malades et aux personnes démunies. C’est tard, vous me direz, alors que la ville a près de 70 ans!

En effet, avant cette époque, Sherbrooke ne compte pas d’hôpital proprement dit pour ses quelque 7500 habitants. Le premier lieu de ce type qui porte le nom «d’hospice» n’est donc pas un hôpital au sens moderne du terme: il ne s’agit pas d’un centre de santé, mais d’un lieu où les affligés de toutes sortes pouvaient trouver de l’aide. C’est sur le chemin de Lennoxville (aujourd’hui la rue Wellington Sud) qu’Alfred-Élie Dufresne achète un terrain et un bâtiment, à ses frais, pour y installer cet hospice.
L’hospice du Sacré-Cœur ouvre officiellement ses portes le 21 avril 1875, lors de l’arrivée à Sherbrooke des Sœurs de la Charité de Saint-Hyacinthe. Ces religieuses dévouées ont joué un rôle crucial dans la gestion de l’hospice et ont permis d’accueillir sans distinction les malades de la ville et des environs. Lors d’un concert-bénéfice en 1874, le curé Dufresne décrit l’hospice comme «un asile de la douleur» où tous seraient accueillis, quelle que soit leur nationalité ou leurs croyances.
Sur le terrain de l’hospice du Sacré-Cœur, les membres du bureau médical de l’hôpital en 1897 ou 1903. (Photo Fonds Société d’histoire de Sherbrooke, Mhist)
Sur le terrain de l’hospice du Sacré-Cœur, les membres du bureau médical de l’hôpital en 1897 ou 1903. (Photo Fonds Société d’histoire de Sherbrooke, Mhist)
Au fil des années, la population de Sherbrooke continue de croître, et le besoin d’un hôpital plus grand et mieux adapté devient de plus en plus évident. En 1885, la décision de construire une nouvelle ligne ferroviaire du Canadien Pacifique aux abords de l’Hospice du Sacré-Cœur pousse les autorités à chercher un nouvel emplacement pour offrir un environnement plus calme et mieux adapté aux patients. Un nouveau bâtiment est donc construit sur la colline de la rue Belvédère, sur un terrain acheté au colonel Charles King, non loin de l’actuelle rue McManamy. En décembre 1887, ce nouvel édifice de l’hospice du Sacré-Cœur ouvre ses portes, avec quatre ailes et cinq étages.

La construction de la rotonde de l’Hôpital Saint-Vincent débute en 1906 et s’étale sur deux ans. Sur cette photo, ouvriers et contremaîtres prennent la pose, les charpentiers mettant leurs outils en évidence. (Photo Fonds Doug Gerrish, Mhist)
La construction de la rotonde de l’Hôpital Saint-Vincent débute en 1906 et s’étale sur deux ans. Sur cette photo, ouvriers et contremaîtres prennent la pose, les charpentiers mettant leurs outils en évidence. (Photo Fonds Doug Gerrish, Mhist)
En 1896, l’ouverture du Sherbrooke Protestant Hospital, qui délaisse en quelque sorte la charité pour axer ses services davantage vers les soins, engendre des réactions dans la population catholique locale. Ce sont finalement les efforts de Mgr Paul LaRocque, évêque de Sherbrooke, et de Mère Davignon, supérieure des Sœurs de la Charité de Saint-Hyacinthe, qui mènent à la construction et à l’ouverture de l’Hôpital Saint-Vincent-de-Paul en 1909.
Inauguré le 29 mars de cette même année, cet hôpital moderne est composé de quatre pavillons reliés par une rotonde et permet une grande capacité d’accueil. L’aide aux plus vulnérables continuent d’être offert à l’hospice du Sacré-Cœur, alors que les malades, nécessitant des soins médicaux, sont dirigés vers le nouvel hôpital.
Situé aux limites est de Sherbrooke, la position géographique dans la ville de l’hôpital Saint-Vincent n’est pas anodine. Le quartier est en plein développement, ainsi l’hôpital s’installe «près» des secteurs populeux et tout juste «assez loin» en cas de contagion.
L’hôpital Saint-Vincent-de-Paul demeure pendant les décennies suivantes un lieu central dans les soins hospitaliers catholiques de Sherbrooke. En 1965, il devient «officiellement» un hôpital laïc. Aujourd’hui, même s’il a évolué avec le temps, l’Hôpital Saint-Vincent-de-Paul demeure une institution importante à Sherbrooke. Pour sa part, l’édifice de la rue Belvédère, siège du second hospice du Sacré-Cœur, sera connu sous le nom d’Hôpital d’Youville, et est finalement fusionné pour former l’Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke.
Quant au tout premier hospice situé sur la rue Wellington Sud, le plus ancien, il a fermé ses portes depuis bien longtemps. Sa mission de charité et de secours aux plus vulnérables continue d’être d’actualité, dans l’esprit sinon dans les lieux. L’héritage d’aide, de secours populaire et de bienfaisance de l’hospice du Sacré-Cœur persiste dans ce secteur de la ville et d’autres organismes s’investissent désormais pour venir en aide aux plus démunis.
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Conception graphique La Tribune, Cynthia Beaulne