M. Hist,
Je suis résident de Rock Forest et je passe régulièrement sur le boulevard Bourque sans trop savoir qui lui a laissé son nom. Avez-vous des informations sur ce personnage? Merci
Daniel
Cher Daniel,
Que vous empruntiez le boulevard, la rue du secteur Est ou que vous fouliez les pentes du mont qui porte son nom, sachez que sous vos pieds se trouve un pan d’histoire!
John Samuel, que l’on surnomme «Johnny», grandit dans une famille bien implantée à Sherbrooke: son père, Théophile, est marchand sur la rue Wellington depuis les années 1890. Après des études à l’École-du-Centre puis au Séminaire Saint-Charles-Borromée, John s’engage dans la Première Guerre mondiale, au sein du 22e Régiment - le célèbre Royal 22e. Il en revient blessé, mais aussi marqué d’un solide sens du devoir et d’une ténacité qui ne le quitteront plus.
De retour au pays, il se retrousse les manches. Il travaille d’abord comme gérant des ventes à la Brompton Lumber Manufacturing Co. à Bromptonville, avant de fonder sa propre entreprise de bois et de matériaux de construction à Sherbrooke dans les années 1920. L’affaire prospère et devient la maison J.-S. Bourque Ltée. Quelques décennies plus tard, il en confiera d’ailleurs la direction à son fils, perpétuant ainsi le nom familial dans le commerce local.
Déjà en 1930, «Johnny» Bourque affiche ses activités commerciales dans La Tribune et semble avoir déjà le sens des affaires… Et de la formule! (Photo La Tribune, 12 avril 1930)
Déjà en 1930, «Johnny» Bourque affiche ses activités commerciales dans La Tribune et semble avoir déjà le sens des affaires… Et de la formule! (Photo La Tribune, 12 avril 1930)
Vers 1930, la rue où se trouve son commerce, dans l’Est de la ville (tout près de la rue Bowen), prend d’ailleurs son nom: la rue Bourque. Une petite reconnaissance bien méritée, car Johnny est l’un des premiers résidents du coin. Aujourd’hui encore, cette rue, rebaptisée rue John-S. Bourque, est témoin du passage d’un homme qui a durablement marqué la ville.
Il y a près d’un siècle, le commerce de bois de Johnny Bourque s’implantait dans l’est de la ville. L’adresse? Sur la rue Bourque, bien sûr! (Plan d’assurance-incendie de 1953, Collection du Musée d’histoire de Sherbrooke)
Il y a près d’un siècle, le commerce de bois de Johnny Bourque s’implantait dans l’est de la ville. L’adresse? Sur la rue Bourque, bien sûr! (Plan d’assurance-incendie de 1953, Collection du Musée d’histoire de Sherbrooke)
Mais Johnny Bourque ne se contente pas d’être un homme d’affaires prospère: il veut aussi servir la collectivité. Il entre en politique municipale en 1935, en devenant échevin à Sherbrooke. Deux ans plus tard, il fait le saut sur la scène provinciale avec l’Union nationale et devient député de la circonscription de Sherbrooke, un poste qu’il conservera pendant près de 25 ans. Rien que ça!
Sous les gouvernements de Maurice Duplessis, Johnny Bourque occupe des postes clés: ministre des Travaux publics, des Terres et Forêts, des Ressources hydrauliques, puis des Finances. Homme pragmatique, il s’intéresse aux infrastructures et au développement régional, tout en restant proche des préoccupations de ses concitoyens.
Ainsi, en parallèle, Johnny Bourque demeure très actif dans la vie sociale et communautaire. On le retrouve chez les Chevaliers de Colomb, à la Légion canadienne, ou encore au Club de raquettes Tuque Rouge. Il appuie aussi de grands projets collectifs, notamment l’installation de l’Université de Sherbrooke, dont il est considéré comme l’un des fondateurs.
John Samuel «Johnny» Bourque est une figure majeure de la scène locale comme provinciale, aussi bien dans les domaines économique, communautaire, militaire que politique… Et même toponymique! (Photo Collection du Musée d’histoire de Sherbrooke)
John Samuel «Johnny» Bourque est une figure majeure de la scène locale comme provinciale, aussi bien dans les domaines économique, communautaire, militaire que politique… Et même toponymique! (Photo Collection du Musée d’histoire de Sherbrooke)
En 1957, pour saluer ses réalisations, les conseils municipaux de Sherbrooke, Rock Forest et Deauville décident de l’honorer en baptisant à son nom la nouvelle autoroute à quatre voies reliant ces trois localités.
En fait, à l’époque, ce qu’on appelle le boulevard Bourque commence même son tracé à la jonction du boulevard Jacques-Cartier et continue jusqu’à Deauville. Le Comité de toponymie officialise le tout le 1er août 1957. Depuis, des milliers d’automobilistes l’empruntent chaque jour sans forcément savoir que cette route rend hommage à un homme qui a œuvré toute sa vie à faire avancer sa communauté.
John S. Bourque s’éteint le 5 mars 1974, laissant derrière lui un héritage politique, économique et humain impressionnant. De la tranchée de la Première Guerre mondiale aux bancs du Conseil des ministres, en passant par les chantiers forestiers, le conseil municipal de Sherbrooke et les réunions paroissiales, Johnny Bourque a touché à (presque) tout.
Peu de Sherbrookois peuvent se vanter d’avoir laissé leurs traces à l’est (avec la rue et son commerce), dans la partie centre (comme député) et à l’ouest (avec le boulevard) de notre ville, tout en jouant un rôle majeur dans les décisions gouvernementales du Québec.
Alors la prochaine fois que vous pesterez contre la circulation sur le boulevard Bourque, souvenez-vous qu’il porte le nom d’un homme qui, lui aussi, a beaucoup circulé: entre les ministères, les paroisses et les chantiers, toujours avec le même objectif - faire avancer Sherbrooke. Si vous trouvez que la route est longue, repensez au chemin que «Johnny» a parcouru!
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Cynthia Beaulne, La Tribune
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