La culture ça s'apprend,
ça s'apprécie, ça se partage

La culture d'ici, ce n'est pas important. Comme un produit bas de gamme, elle est quelconque, sans intérêt. J'ai honte, mais cette pensée a longtemps habité mon esprit. Elle l'a teinté de dégoût, de préjugés. La vérité, c'est qu'aujourd'hui, trop de jeunes pensent comme je pensais. Je ne peux pas proposer de solutions, je n’en possède pas. Or, je peux raconter comment j'ai réalisé que je me trompais.

Je peux affirmer sans hésitation qu’une sortie culturelle durant mon cinquième secondaire a eu un effet incommensurable sur ma vision culturelle. Je m'en souviens, c'était une conférence du slameur David Goudreault à la salle J.-Antonio-Thompson. D'abord, la poésie d'ici ne m'intéressait pas. Ensuite, j'ai été soufflée. Imaginez donc quelle incidence les mots d'un grand poète ont pu avoir sur mon âme lorsqu'il a commencé à s'exprimer ! Alors que Goudreault racontait son histoire, j'étais pendue à ses lèvres. Cet ancien de l’Académie les Estacades avait une tâche à accomplir auprès de la nouvelle génération. || devait nous montrer la beauté et l'omniprésence de la poésie. Non seulement de la poésie, que j'appréciais déjà, mais la beauté de notre culture. Je dois le souligner, il a non seulement réussi à faire apprécier la poésie à des jeunes qui l'exécraient, mais il a réussi à nous transmettre sa culture, notre culture. Maintenant, je sais qu'on en trouve à chaque coin de rue, de la culture, partout à Trois-Rivières. L'Académie les Estacades a sa culture. Le Festival de la Galette de Louiseville a sa culture. Une partie des Cataractes de Shawinigan a sa culture. Même les plaques commémoratives ont leur culture. Tout cela fait partie de la culture d'ici. Dès que je suis retournée chez moi, j'ai rédigé ma culture. Un slam, le plus profond poème que j'ai écrit jusqu'à ce jour. Cette rencontre culturelle avec David Goudreault a été décisive pour mon développement personnel.

Je me souviens aussi d'un autre évènement marquant dans mon apprentissage de la culture d'ici : le décès de Karl Tremblay, chanteur bien-aimé des Cowboys Fringants. Qu'on le veuille ou non, nous, Mauriciens et Mauriciennes, partageons un lien spécial avec Karl Tremblay : le dernier spectacle des Cowboys Fringants ayant eu lieu au Festival Western de Saint-Tite. Ceci rend d'autant plus fort l’attache entre la Mauricie et ce groupe inoubliable, ce chanteur inoubliable.

Le répertoire musical des Cowboys est une partie de notre héritage. Lorsque la bête a remporté la bataille, j'ai appris à écouter et à admirer leurs paroles. Elles racontent notre passé, notre présent et notre futur. C'est notre société de consommation, de travail, de précipitation, de paraître, c'est une fin des temps imminente liée à la surconsommation, aux changements climatiques et à l'avarice des hommes qui sont décrits. Une partie de notre culture. Pourquoi est-ce comme ça ? Pourquoi personne n'essaie-t-il pas de changer les choses ? Et moi, puis-je agir pour changer notre culture ? Les Cowboys Fringants, ils sont une culture. Je me suis fait la promesse de faire découvrir leurs chansons à mes futurs enfants. Après tout, une culture, ça se transmet et ça s'apprend.

Plus récemment, au Collège Laflèche, j'ai eu la chance d'aborder ma culture à travers la littérature. L'une des œuvres sur laquelle j'ai travaillé s'intitule Mémoires d'un esclave de Frederick Douglass. Une chose s’est alors précisée dans mon esprit : la connaissance, par la lecture et l'écriture, forge l'être humain. Elle enrichit le vocabulaire et agrémente l’allocution etles écrits. Cela m'a fait penser à la langue française, la langue d'ici. Autrefois, je n'arrivais pas à percevoir la détresse de notre langue qui est en péril. Maintenant, je comprends. Nous nous battons pour la préserver par l'entremise des livres, de nos chansons, de nos séries télévisées et de nos films. La langue française est enracinée dans la culture mauricienne, mais elle est toujours menacée par des agents extérieurs, parfois même intérieurs. Heureusement, divers moyens sont mis sur pied afin d'inciter les gens à creuser dans ce trésor national, tel que le Festival international de la poésie. Ma langue, elle me définit. Ma langue, elle est inépuisable. Il existe tant de mots à peine utilisés et tant de mots oubliés. Je ressens le désir ardent de protéger ma langue, de la partager et de la faire perdurer dans le temps. C'est mon héritage, celui que je reçois et celui que je laisserai.

La culture d'ici, c’est un ensemble de choses qui forment un tout à chérir et à protéger. La culture d'ici, c'est ma culture et je suis fière de la proclamer. Ma voix brûle de la partager avec les êtres humains qui m'entourent. La vérité, c'est que lorsque tu sais, lorsque tu prends conscience d'une réalité, tu ne peux plus feindre l'indifférence. Libre à toi d'agir, mais ne rien faire consiste à prendre part à l'ignorance. Moi, j'en ai officiellement fini d'ignorer et de renier la culture d'ici.