Dany Saint-Laurent participera au triathlon le plus difficile du monde

(Photo La Tribune, Maxime Picard)

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L’aube s’installe à peine dans le fjord de l’Aïd, à Eidfjord, en Norvège. Debout sur un traversier, les participants et participantes du Norseman attendent le signal pour sauter du ponton, dans les eaux glaciales, qui oscillent entre 14 et 16 degrés Celsius. Cette première étape de l’un des triathlons les plus difficiles du monde impose une traversée vers la terre ferme de 3,8 km. Rares sont les élus à participer au Norseman. Le 3 août prochain, la Sherbrookoise Dany Saint-Laurent sera l’une des trois athlètes du Québec à se lancer à l’eau.

Le Norseman est unique. Tant dans le défi qu’il propose que dans les reliefs accidentés et les conditions extrêmes qu’affronteront les athlètes choisis. À la conclusion de leur compétition, à leur arrivée à Gaustatoppen, ils auront gravi quelque 5000 m, en vélo et à la course.

(Photo nxtri.com)

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Épreuve mythique

Une épreuve mythique, sans pitié. Et l’une des trois au monde qui propose une entrée à l’eau après un saut de quatre mètres à partir du ponton d’un traversier. Une fois l’épreuve de nage complétée, c’est le plateau des montagnes Hardangervidda, le plus élevé d’Europe du Nord, qui s’offre aux athlètes lors de la portion vélo.

Une épreuve toute en montée, avec plus de 3000 m d’ascension. Les quelque 40 premiers kilomètres sans pitié, avec un dénivelé positif de près de 100 m, à 29 %. La portion course, un marathon de 42,2 km, est la touche finale. Mais contrairement aux paysages, sa beauté s’avérera cruelle pour les athlètes. Un départ plutôt plat, après la deuxième transition, s’offre aux athlètes, jusqu’à ce que se dresse Gaustatoppen, dans le comté de Telemark, l’un des huit plus hauts sommets de Norvège. Cette montée de quelque 1400 mètres est si hasardeuse que les athlètes sont obligés d’avoir un accompagnateur, qui aidera à transporter provisions et vêtements chauds. Et un téléphone cellulaire.

Au total, l'épreuve intense comprend 3,8 km de nage, 180 km de vélo et un marathon de 42,2 km. Seulement une poignée d’athlètes, aussi intrépides que résilients, prendront le départ à partir du traversier. Environ 290, au total. L’endurance physique poussée à son paroxysme.

Dany Saint-Laurent pratique le triathlon depuis 2017. (Photo fournie)

Dany Saint-Laurent pratique le triathlon depuis 2017. (Photo fournie)

Dany Saint-Laurent, Alexandre Fortin, de même que Linda Gingras, de Gatineau, seront les trois seuls athlètes du Québec à participer à l’édition 2024 du Norseman, en Norvège, début août.

Justement, les défis, Dany Saint-Laurent connaît. Celle qui était d’abord une coureuse a bifurqué vers le triathlon, il y a quelques années, inspirée par les athlètes qu’elle a vus participer au Canada Man/Woman, un triathlon extrême qui se déroule à Mégantic.

«Je suis une fille de défis. J’étais une coureuse, au départ, mais j’ai eu un accident de voiture qui a eu des séquelles importantes et qui a demandé une longue réadaptation. J’avais six fractures assez importantes au bassin. Un accident qui s’est produit en 2018. Ça m’a pris six mois pour retrouver la forme. Un an plus tard, je courais mon premier 10 km, dans le cadre du Demi-marathon de Sherbrooke.»

«J’ai vu les athlètes compléter l’épreuve du Canada Man/Woman, à Chartierville. J’ai réellement vibré en voyant les Jérôme Bresson ou Lyne Bessette accomplir cet exploit. Pour le défi, je me suis dit que j’allais le faire. Et je l’ai fait!»
Dany Saint-Laurent

Il y a quand même un bon décalage entre vouloir et pouvoir. «J’ai toujours été un peu à l’extrême, dans tout ce que je fais. J’ai la résilience et l’humilité de dire que je me bats contre moi, pas contre les autres. J’ai des bonnes capacités physiques pour le faire, et une force de caractère, alors je fonce. Je fais mes devoirs, je suis très cartésienne, mais il y a aussi la passion derrière tout ça.» Saint-Laurent a finalement complété le Canada Man/Woman en 16 heures et 37 minutes, en 2023.

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(Photo fournie)

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Une compétition exclusive... ou presque

Le Norseman, lui, sera différent. Une vingtaine d’athlètes catégorie élite obtiennent leur ticket d’entrée pour le Norseman, en vertu de leurs résultats sur le XTri World Tour, alors qu’environ 250 triathlètes sont pigés au hasard parmi les quelque 6000 athlètes qui ont donné leur nom.

«Peu de gens y ont accès. C’est la compétition d’une vie. Autant que le Canada Man/Woman était un rêve, le Norseman est une opportunité que je n’aurai peut-être plus jamais. Je considère ça comme un privilège, et j’y consacre les efforts nécessaires.» Et beaucoup d’efforts sont nécessaires pour espérer compléter une épreuve extrême comme le Norseman. Surtout en matière de conciliation travail/entraînement.

Dany Saint-Laurent œuvre comme coordonnatrice chez Moisson Estrie pour le programme de récupération en supermarché et elle possède son salon de coiffure depuis 25 ans. «Pour le Canada Man/Woman, je consacrais entre 15 et16 heures par semaine à l’entraînement, en plus de mon travail. Je m’attends à ça, et même plus pour le Norseman. Car je veux performer.»

D'abord une coureuse, Dany Saint-Laurent s'est tournée vers le triathlon il y a quelques années. (Photo fournie)

D'abord une coureuse, Dany Saint-Laurent s'est tournée vers le triathlon il y a quelques années. (Photo fournie)

Le défi est immense. Dany Saint-Laurent le sait. Mais elle persévère. As-tu peur?

«Oui. Je pense que ça serait faux de dire non. C’est un beau défi. Si je garde le même état d’esprit qu’au Canada Man/Woman, soit d’y aller une étape à la fois, un ravito à la fois, ça va bien aller. Oui, c’est de l’inconnu. Mais je performe mieux quand il y a de l’inconnu. J’anticipe, j’appréhende. Je vais être plus réservée, je n’ouvrirai peut-être pas tant la machine. Si je n’ai pas trop le temps d’y penser, ça sera mieux.»

(Photo nxtri.com)

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Bien s'entourer

Saint-Laurent s’est adjoint les services de Claude Dallaire, entraîneur cycliste au Centre haute performance Peak, pour sa préparation. «J’aime sa rigueur. Avant la pandémie, Claude dirigeait des séances de spinning, chez Vélomania. Il a une rétroaction immédiate. J’aime ça comme ça, il est lui aussi cartésien. Il ne me dit pas nécessairement ce que je veux entendre. C’est ce que j’aime», dit Saint-Laurent.

Lui, il est plus cycliste. Et au Norseman, ce sera le gros défi, les 180 km de vélo. Dans la montagne, à pied, même si tu ne cours plus, tu avances quand même. Avec 1800 m de dénivelé, je ne m’attends pas à courir tout le temps. Mais pour le vélo, c’est là que je peux aller chercher beaucoup plus, en endurance, en force. J’ai confiance en lui.»

Dany Saint-Laurent va participer au Norseman, le 3 août prochain. Elle est accompagnée par Vélomania et son gérant Éric Gagné, et par son entraîneur Claude Dallaire. (Photo La Tribune, Maxime Picard)

Dany Saint-Laurent va participer au Norseman, le 3 août prochain. Elle est accompagnée par Vélomania et son gérant Éric Gagné, et par son entraîneur Claude Dallaire. (Photo La Tribune, Maxime Picard)

Claude Dallaire doit prendre en compte une kyrielle de données, dans la préparation de son athlète, en vue d’une compétition aussi exigeante que le Norseman. «Mon défi, c’est qu’elle performe et ne termine pas complètement brûlée. Je dois tenir compte de son âge, tout en maintenant l’équilibre avec le travail. On ne gagne rien si elle est fatiguée. Je ne peux pas lui imposer 25 h d’entraînement par semaine, alors je dois maximiser son temps», a-t-il expliqué.

«On travaille la puissance, ce qu’elle n’a jamais vraiment fait. On va augmenter le volume un peu aussi, et le rythme, afin de le garder le plus longtemps possible. Le premier test va venir début juin, le 9 juin, au Massachussetts, lors d’un demi Ironman.»
Claude Dallaire, entraîneur cycliste au Centre haute performance Peak

C’est la première fois que Dallaire prépare un athlète pour une compétition extrême comme le Norseman. Avec la difficulté, entre autres, de ne pas pouvoir nager, courir, ou rouler le parcours avant la course.

«C’est une première pour moi. Très peu d’athlètes participent à ce genre de compétition. Plusieurs abandonnent dès la natation. On lance les athlètes à l’eau, il y a les vagues et tout. Il faudra s’entraîner en eau libre par les journées de grands vents, on va tenter de reproduire ce qu’il y a là-bas. On va habituer son corps à tout ça.»

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Viser le Black finish

Forte d’une préparation précise, Dany Saint-Laurent a des objectifs élevés, pour la Norvège. «Je vise le Black finish. Il y a deux fins au Norseman. Si tu termines parmi les 160 premiers, à l’intérieur des temps prescrits, tu es dans le Black finish. Sinon, c’est le White finish

Au pied de la montagne, seuls les 160 premiers arrivés peuvent s’élancer vers le sommet pour le t-shirt des Black finishers, dans une partie en trail, sur des chemins fortement accidentés, qui les mènent au sommet et à la ligne d’arrivée. Les autres concurrents sont dirigés vers un autre circuit et obtiennent celui des White finishers.

«J’aimerais compléter l’épreuve de nage en 1 h 30, l’épreuve de vélo en environ 6 h et je vise les 6 h-6 h 30 pour la difficile portion de course. Comme ça, je serais dans le Black finish

En plus des nombreuses heures passées à l'entraînement, Dany Saint-Laurent travaille à Moisson Estrie et elle possède son propre salon de coiffure. (Photo fournie)

En plus des nombreuses heures passées à l'entraînement, Dany Saint-Laurent travaille à Moisson Estrie et elle possède son propre salon de coiffure. (Photo fournie)

Dany Saint-Laurent est également accompagnée d’une nutritionniste, Laurie-Anne Patenaude, de la Clinique nutritive, qui lui donne un coup de main. Elle poursuit maintenant sa préparation, au fur et à mesure que les semaines s’égrènent vers l’objectif ultime.

«Les gens me disent que je suis folle! Mais j’adore ce genre de défis, je carbure à l’adrénaline. Et je crois que bien préparée, et bien encadrée, tout est possible.» Son rêve se réalisera le 3 août prochain.

Cynthia Beaulne, conceptrice graphique

(Photo nxtri.com)

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