LES COOPS DE L'INFORMATION

Construites au cœur des paroisses, les églises catholiques se sont vidées au fil des années et dans plusieurs régions, environ le tiers ne sont plus utilisées pour le culte. Certaines se remplissent tout de même encore, non pas de fidèles, mais de citoyens impliqués dans des projets communautaires et culturels.

Les Coops de l'information dressent le portrait dans chacune de leur région.

OLIVIER MOUGEOT > LE SOLEIL

Offrir une seconde vie à une église désertée de ses fidèles est une pratique assez courante. Et souvent, transformer l’édifice religieux en un lieu de culture ou à dimension communautaire est l’option retenue. On peut ainsi penser à l’ancienne église Sainte-Marthe à Thetford Mines reconvertie et devenue Le Vitrail, ou encore à l’église Sainte-Jeanne-d’Arc à Lévis.

Mais combien d’églises sont encore ouvertes sur le territoire du diocèse de Québec?

À la lumière de ces données, on peut donc noter que 81 lieux de culte ont fermé en 50 ans.

Notons cependant que ces chiffres ne prennent pas en compte les chapelles, ni les édifices religieux appartenant à des congrégations religieuses, par exemple l’Oratoire Saint-Joseph-de-Saint-Vallier, précise la communication du diocèse de Québec.

ÉGLISE RECONVERTIE

> ÉGLISE SAINT-APOLLINAIRE

À Saint-Apollinaire, le maire a foi dans le projet de reconversion de l’église.

L’église de cette municipalité de Chaudière-Appalaches est devenue trop lourde à gérer financièrement pour la paroisse. Une salle de spectacle, la bibliothèque municipale et un café vont prendre place dans les lieux.

De l’extérieur, rien ne laisse supposer que l’église n’est plus vraiment fréquentée par ses fidèles qu’elle accueille pourtant depuis 1857. La bâtisse paraît en bon état général, malgré la rouille visible sur le toit de la sacristie, à l’arrière.

À l’intérieur, la peinture est un peu défraichie par endroits, mais le chemin de croix et la chaire en imposent encore aux visiteurs. On imagine très bien le prêtre et ses ouailles se recueillir en ces lieux. Mais c’est là que le bât blesse: des fidèles, il y en a de moins en moins.

(Frédéric Matte/Le Soleil)

(Frédéric Matte/Le Soleil)

«La Fabrique de la paroisse a accepté de nous céder la bâtisse pour 1$»
— Jonathan Moreau, maire de Saint-Apollinaire

«Très rapidement, l’idée de transformer le site en lieu culturel s’est imposée», note-t-il. «Cette salle répond a un vrai besoin local de culture», assure encore l’édile.

VISITE GUIDÉE

Lorsque le visiteur empruntera les portes principales, il débouchera sur une petite réception. Tout de suite derrière se trouvera la salle de spectacle, d’une capacité d’accueil de 300 places. La future salle et sa scène occuperont environ les trois quarts de la nef, jusqu’à la chaire. Il devrait aussi y avoir deux loges derrière la scène.

«Le jubé et l’orgue vont demeurer», souligne M. Moreau qui explique que le chemin de croix, l’autel, la grande majorité des bancs de prière ou encore plusieurs statues et crucifix vont être retirés afin de désacraliser le lieu. Le clocher va demeurer.

UNE BIBLIOTHÈQUE ET UN CAFÉ

Un immense mur en partie vitré va séparer la salle de spectacle de la future bibliothèque municipale.

«La bibliothèque actuelle [située juste à côté de l’église] est trois fois trop petite par rapport à notre population», indique le maire.

Enfin, dans la sacristie prendra place un café qui pourra accueillir une cinquantaine de personnes et une terrasse sera construite.

Concernant les travaux, le maire prévoit qu’ils devraient débuter à l’été-début de l’automne 2025. Le chantier devrait s’étaler sur 14 mois et le projet, selon le Programme fonctionnel et technique, devrait coûter 10,8 millions de dollars.

(Frédéric Matte/Le Soleil)

(Frédéric Matte/Le Soleil)

CAROLYNE LABRIE > LE QUOTIDIEN

Depuis 25 ans, le tiers des églises catholiques du Saguenay-Lac-Saint-Jean ont changé de vocation ou ont été démolies. Le diocèse de Chicoutimi, qui regroupait 96 lieux de recueillement en 2000, en compte dorénavant 64.

Les fermetures et les changements de vocation se sont accélérés au cours des 10 dernières années, constate-t-on à la lumière des chiffres transmis par le diocèse. Et des décisions cruciales devront être prises prochainement puisque six lieux à l’avenir incertain sont fermés, à commencer par Saint-Édouard de La Baie. Ailleurs en région, les églises Saint-Jérôme et Saint-Joseph à Alma attendent de connaître leur sort tout comme les bâtiments des municipalités de Saint-André-du-Lac-Saint-Jean, Saint-Élisabeth-de-Proulx et Sainte-Monique.

«Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme», disait le chimiste Antoine de Lavoisier. Une citation qu’on peut appliquer pour nos bâtiments religieux puisque 23 des églises catholiques ont changé de vocation. Certaines sont devenues des complexes funéraires, d’autres des centres communautaires. On compte même des projets très originaux, allant d’un bar laitier à un complexe d’escalade. «Finalement, on n’a jamais vu autant de gens à l’église», nous disait la chancelière du diocèse de Chicoutimi, Isabelle Dallaire, en entrevue à ce propos.

ÉGLISE RECONVERTIE

> ÉGLISE SAINT-LUC DE CHICOUTIMI-NORD

ÉCOLE DE DANSE EN SEMAINE, ÉGLISE LE SAMEDI

La directrice de l’école de danse Florence Fourcaudot nous fait visiter son établissement avec grand plaisir et fierté. Il y a 10 ans maintenant, elle a porté un projet à bout de bras pour transformer l’église Saint-Luc de Chicoutimi-Nord en grande école de danse.

Ce qui frappe en entrant, c’est la hauteur des plafonds, les grandes fenêtres et toute cette luminosité. Puis, les matériaux nobles. «Nous avons conservé les planchers et les comptoirs. Nous avons aussi utilisé du bois pour être en harmonie. Il faut dire que le bâtiment avait été très bien préservé. Le plus compliqué a été la ventilation et le chauffage», détaille Mme Morin. On y compte cinq studios, dont un avec une estrade, qui se transforme en salle de culte le samedi pour accueillir une messe.

L'un des studios redevient une salle de culte les samedis. (Sophie Lavoie/Le Quotidien)

L'un des studios redevient une salle de culte les samedis. (Sophie Lavoie/Le Quotidien)

D’ailleurs, Julie Morin rappelle le travail acharné il y a 10 ans de l’abbé Gérald Linteau.

«Il nous a accueillis à bras ouverts et a fait avancer les paroissiens un par un. Il disait vouloir un bâtiment qui sert à la communauté»
— Julie Morin, directrice de l’école de danse Florence Fourcaudot

Aujourd’hui, les fidèles viennent voir les spectacles des ballerines et des danseurs.

L'église Saint-Luc a été construite en 1963. Elle accueille aujourd'hui l'école de danse Florence Fourcaudot. (Tom Core/Le Quotidien)

L'église Saint-Luc a été construite en 1963. Elle accueille aujourd'hui l'école de danse Florence Fourcaudot. (Tom Core/Le Quotidien)

JONATHAN GAGNON > LA VOIX DE L'EST

Comme dans plusieurs autres régions du Québec, une accélération des fermetures et conversions d’églises a été observée depuis le début du millénaire. Le nombre de lieux de culte utilisés à des fins religieuses a concrètement baissé de 33% depuis 1975.

Il est sans doute important de préciser que les données fournies par le diocèse de Saint-Hyacinthe concernent un territoire beaucoup plus grand que le secteur de couverture de La Voix de l’Est. En fait, elles témoignent d’une époque où Granby était une grande ville parmi bien d’autres en Montérégie, avant son transfert officiel en Estrie.

ÉGLISE RECONVERTIE

> ÉGLISE NOTRE-DAME

QUAND CULTURE ET ÉDUCATION
FONT BON MÉNAGE

Le critère du catholicisme excluait d’emblée des options intéressantes comme la Maison de la culture de Waterloo et le St-John, respectivement installés dans d’anciens lieux de culte universaliste et anglican. Notre choix s’est donc porté sur l’église Notre-Dame, dont la reconversion profite aujourd’hui à une large part de la population granbyenne.

Des investissements avoisinant les 14 millions de dollars et complétés à l’automne 2019 ont notamment permis de transformer la nef de l’église en une salle multifonctionnelle pouvant accueillir des spectacles et plusieurs autres types d’activités.

(Catherine Trudeau/La Voix de l'Est)

(Catherine Trudeau/La Voix de l'Est)

C’est dans cet espace, baptisé le «Centre Notre-Dame», que s'est déroulée la seconde mouture du Salon du livre de Granby, du 14 au 17 mai. Un bal de l’Halloween, un tournoi d’improvisation et une foire du jeu vidéo y ont également été tenus au cours des derniers mois, dans le cadre de la programmation culturelle construite pour dynamiser davantage le centre-ville.

Dans une autre portion du bâtiment, le «Pavillon Notre-Dame» comprend des laboratoires et des salles de cours utilisés pour les programmes de génie mécanique et de génie industriel du Cégep de Granby. L’ex-maire Pascal Bonin s’était montré à la fois fier et enthousiaste lors de l’inauguration le 14 septembre 2019.

«C’est le début d’un grand bouleversement pour le centre-ville de Granby. Notre vie économique, sociale et communautaire prend un essor aujourd’hui», avait-il affirmé.

«Cette église est un exemple de modernité. Aujourd’hui, le patrimoine religieux à travers l’Amérique est menacé et, ici, on l’a non seulement restauré, mais on lui a donné une twist avec [le partenariat avec] le Cégep»
— Pascal Bonin, ex-maire de Granby

La Ville de Granby a couvert près de 70% du montage financier, complété par l’établissement collégial et le gouvernement du Québec.

(Catherine Trudeau/La Voix de l'Est)

(Catherine Trudeau/La Voix de l'Est)

GENEVIÈVE BEAULIEU-VEILLEUX > LE NOUVELLISTE

Depuis 1975, la Mauricie comme un peu partout en province observe une diminution de ses églises catholiques encore actives. Cependant, on remarque un déclin plus graduel qu’au sein d’autres régions sur le territoire.

Au nombre de 97 en 1975 selon les archives du Diocèse de Trois-Rivières, les églises dédiées au culte sont passées à 85 en 2000. Ce nombre s’est maintenu pendant plus d’une décennie, alors qu’on comptabilisait toujours 85 églises en 2015.

Dans les dix dernières années toutefois, on observe que les fermetures se sont enchainées, alors qu’en date d’aujourd’hui, on en dénombre plus que 61 sur le territoire mauricien. Ainsi, en 50 ans, le nombre d’église à vocation religieuse a dégringolé de près de 40%.

ÉGLISE RECONVERTIE

> ÉGLISE SAINT-EUGÈNE

Des églises de la Mauricie ont été achetées à des fins de vocation culturelle, mais leur conversion n’est pas achevée. C’est le cas de l’Église Saint-Lazarre qui est toujours en phase de rénovation afin d’y accueillir éventuellement des spectacles. Le propriétaire Michael Lygitsakos parle d’un investissement 700 000$ pour compléter une phase de travaux qui devrait mener à une programmation pour l’été 2025.

Quant à elle, l’église Saint-Eugène établie sur la rue Saint-Alphonse à Trois-Rivières dans le secteur Cap-de-la-Madeleine, a été érigée en 1950. Le lieu de culte a pris un nouveau virage en 2017, alors que le bâtiment a été repris par le Centre de solidarité Saint-Eugène qui l’a transformé en véritable lieu de rassemblement comprenant une friperie, mais aussi un café et un repaire pour divers organismes du milieu.

UN EMPLACEMENT STRATÉGIQUE

C’est le duo Ginette Lacoursière et l’abbé Denis Gervais qui sont derrière la conversion de l’église de la rue Saint-Alphonse. On reconnaît désormais l’endroit sous l’appellation des Trouvailles d’Eugène et son café de quartier où gravitent une équipe de 18 dévoués bénévoles. Une façon de redonner à la communauté et de permettre aux aînés et aux gens évoluant dans ce quartier défavorisé de l’est de Trois-Rivières d’avoir accès à différents services gratuits ou à faible coût.

La transformation de l’église est survenue après une vague de fermetures de divers ouvroirs dans la région. «On voulait trouver un endroit où on pourrait s’installer et qui possédait du stationnement. Ça faisait plusieurs années qu’on cherchait», évoque Mme Lacoursière sur la constitution de l’organisme. Le Comité de solidarité Saint-Eugène est enregistré en tant qu’OBNL et fonctionne grâce à des appuis financiers par projet.

LA SOLIDARITÉ POUR BRISER L'ISOLEMENT

Depuis son ouverture, l’endroit offre une friperie, mais aussi un café de quartier, des locaux pour les groupes communautaires du quartier et l’espace pour offrir des cours divers. «On a les cours de danse qui sont fort populaires, sinon on reçoit aussi des cours de taï-chi, de tricot, on a aussi reçu une chorale!», énumère Ginette Lacoursière.

Les tricoteuses de l’AFÉAS de Saint-Eugène ont leur repaire de création dans un local du bâtiment. (Fournie)

Les tricoteuses de l’AFÉAS de Saint-Eugène ont leur repaire de création dans un local du bâtiment. (Fournie)

Pour cette ancienne éducatrice spécialisée qui est bénévole des premiers instants, cette offre n’est pourtant qu’un début.

«On veut développer le côté populaire. Par exemple en proposant une clinique de vaccination, en abordant les droits des aînés, etc.»
— Ginette Lacoursière, présidente du C.A. du Centre de solidarité Saint-Eugène et bénévole

La femme se réjouit que des gens découvrent l’endroit quasiment chaque semaine.

(Stéphane Lessard/Le Nouvelliste)

(Stéphane Lessard/Le Nouvelliste)

MEGAN ROCHETTE > LE DROIT

Deux diocèses couvraient auparavant le territoire de l’Outaouais, soit l’Archidiocèse de Gatineau et le diocèse de Mont-Laurier. Aujourd’hui, ils ne font qu’un.

En 2022, les diocèses de Mont-Laurier et de Saint-Jérôme ont fusionné pour couvrir l’entièreté du territoire des Laurentides.

À la suite de cette fusion, les églises dans la région de l’Outaouais ont été offertes au diocèse de Gatineau, ajoutant du même coup un certain nombre de paroisses au territoire.

Cela étant dit, l’Archidiocèse de Gatineau, qui compte actuellement 57 églises, confirme que plusieurs paroisses ont été fermées ou fusionnées au fil des ans.

Le sort de plusieurs églises est toujours incertain, à commencer par l’église Sainte-Fidèle de Fassett qui est menacée de démolition et l’église Saint-Antoine-de-Padoue, à Val-des-Monts, qui ne reçoit plus les fidèles depuis 2022.

ÉGLISE RECONVERTIE

> ÉGLISE OUR LADY OF LIGHT

Quelques lieux de cultes catholiques ont changé de vocation.

Fondé en 1896, l’ancienne Église catholique Our Lady of Light, située dans la municipalité de Mulgrave-et-Derry, dans la MRC de Papineau, a cessé d’être un lieu de culte en 2012.

À proximité de la petite église blanche se trouvent un cimetière ainsi que quelques statues en béton représentant la Vierge Marie, des enfants et un agneau.

L’église de la paroisse Our-Lady-of-Light de Mulgrave et Derry (Fournie)

L’église de la paroisse Our-Lady-of-Light de Mulgrave et Derry (Fournie)

Après des travaux de rénovation, elle a été transformée en centre culturel. Depuis, elle accueille chaque année divers concerts et activités socioculturelles.

Parmi les événements déjà présentés, on compte des récitals de piano, des concerts-hommage, ainsi que des expositions-ventes d’œuvres d’art.

Un nouveau chapitre s’annonce également pour le Centre culturel Notre-Dame-de-la-Lumière au cours des prochaines années. Des concepts artistiques originaux sont actuellement en développement, dans le but d’explorer de nouvelles avenues créatives au sein de cette ancienne église.

L’église de la paroisse Our-Lady-of-Light de Mulgrave et Derry (Fournie)

L’église de la paroisse Our-Lady-of-Light de Mulgrave et Derry (Fournie)

Design graphique
Pascale Chayer, Le Soleil

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