JEUNESSE ET GOUVERNANCE

Participation citoyenne et relève en politique municipale

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Laval - Photo: Simon Jodoin

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Photo de Jaime Lopes sur Unsplash

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Depuis quelques années, notamment depuis la dernière élection municipale en novembre 2021, on assiste à l’arrivée de nouvelles recrues sur la scène politique.

Des jeunes élus qui arrivent à se démarquer. On pense par exemple à Stéphane Boyer à Laval, à Catherine Fournier à Longueuil, Évelyne Beaudin à Sherbrooke ou Michaël Pilote à Baie-Saint-Paul.

Il y en a plusieurs autres et on sent qu’un vent de fraîcheur souffle sur le Québec.

Et en même temps, la politique, ce n’est pas toujours facile. Ça vient avec plusieurs responsabilités et beaucoup de pression.

Les zones de turbulence sont nombreuses. En politique, le vent de fraîcheur doit inévitablement faire face à de fortes tempêtes.

Younes Boukala fait partie de ces jeunes recrues en politique, mais il n’est pas arrivé avec la plus récente cohorte. Il a été élu à l’élection de 2017, à l’âge de 22 ans, comme conseiller dans l’arrondissement de Lachine, le quartier où il a grandi, dans le sud-ouest de Montréal. Il était alors le plus jeune conseiller municipal de l’histoire de la métropole.

Depuis, il s’est beaucoup impliqué dans diverses instances, notamment comme président de la Commission des jeunes élus de l’Union des municipalités du Québec. Pour lui, c’est très important de faire en sorte que les jeunes qui s’impliquent en politique puissent voir les effets concrets de leur engagement. C’est d’ailleurs vrai pour tous les domaines de travail. Vous devez sentir que les gestes que vous posez, que les décisions que vous prenez, donnent des résultats.

« Ce que j’ai envie de dire aux autres jeunes, c’est que si on ne se sent pas interpellé, si on ne se voit pas dans notre municipalité, on doit prendre les devants, et se dire “je vais essayer de faire du mieux que je peux pour répondre aux enjeux des jeunes, aux réalités des jeunes”. Par exemple, on parle beaucoup de développement durable, de lutte aux changements climatiques. Donc, pour moi, c’est vraiment ça, c’est du concret. Et c’est ça, la beauté, quand on vote par exemple, un projet pour un parc, ça prend plus ou moins un an, deux ans et si ça devient compliqué, c’est trois ans. Donc, ça se fait assez rapidement. Je ne veux rien enlever aux autres paliers de gouvernement, mais faire un changement de structure, c’est plus gros que le Titanic. C’est grand, c’est gros, c’est plus ou moins dans la réalisation concrète. Au municipal, on vote un budget, l’année d’après, on peut voir tout de suite les réalisations. Donc, c’est du concret et ça va avoir des répercussions. Et c’est comme une forme d’héritage qu’on laisse derrière nous. »
-Younes Boukala, conseiller d’arrondissement à Lachine et président de la Commission des jeunes élus de l’Union des municipalités du Québec.

Canal Lachine - Photo de Yulia Z via Unsplash

Canal Lachine - Photo de Yulia Z via Unsplash

Rémy Trudel a mené une longue carrière politique, notamment à titre de ministre des Affaires municipales dans le gouvernement de Lucien Bouchard. Il a été nommé à ce poste en 1996 qu’il a occupé près de trois ans. Il est aujourd’hui professeur invité à l’École nationale d’administration publique. Avec son regard expérimenté, il voit d’un très bon œil la venue de jeunes élus sur la scène politique et comprend bien les défis pour cette nouvelle génération de politiciens. À son avis, si on peut effectivement voir de plus en plus de jeunes en politique, il y a encore beaucoup à faire afin d’attirer de nouvelles recrues.

« Il y a une nouvelle tendance, mais on ne peut pas dire que c’est une tendance lourde. Par exemple, on a une dizaine de maires au Québec qui étaient de la nouvelle génération entre 25 et 40 ans lors de l’élection de 2021. Mais c’est une dizaine sur les 1100 municipalités au Québec. Alors oui, il y a une tendance, parce que d’abord, la composition des conseils actuellement est très âgée, on est au-dessus de 60 ans pour la moyenne de participation et l’âge faisant son travail, il y a de plus en plus de membres des conseils municipaux qui disent “j’ai fait mon travail citoyen, je vais laisser la place à d’autres”. C’est pour ça que je dis qu’il n’y a pas une tendance lourde, il y a de nouveaux maires et mairesses qui sont apparus, mais pour l’ensemble du Québec, il y a encore beaucoup à faire pour assurer le renouvellement des participants élus à ce gouvernement démocratique qu’on appelle maintenant des “gouvernements de proximité”. »
- Rémy Trudel, professeur associé à l’ÉNAP, ex-ministre des Affaires municipales

Dans ce qu’il y a à faire pour favoriser un renouveau dans la participation à la vie démocratique, un des premiers défis consiste à donner à des jeunes la possibilité de développer des relations, en créant des occasions d’apprivoiser ce milieu qui n’est pas toujours facile à comprendre. Dans son travail de président de la Commission des jeunes élus de l’UMQ, Younes Boukala s’intéresse particulièrement aux conditions favorables pour assurer une relève. Pour lui, quand les jeunes commencent en politique, ce qui leur manque le plus, c’est un bon réseau de contacts. 

« On a fait une étude justement sur les obstacles que les jeunes élus rencontrent et ce qui en ressort, c’est l’importance du réseau. Car lorsqu’on arrive comme jeune élu, notre réseau, c’est les gens de notre âge. Il y en a qui ont fini leurs études, d’autres qui travaillent. Une personne qui a, par exemple, 20 ans d’expérience de travail dans un domaine, par rapport à moi, le jeune que j’étais, à 22 ans, dans ma municipalité, c’est sûr que je suis en désavantage. Donc pour moi, un des défis, c’est de trouver la manière de bâtir son réseau comme jeune élu. »
-Younes Boukala, conseiller d’arrondissement à Lachine et président de la Commission des jeunes élus de l’Union des municipalités du Québec.

Photo de Timon Studler via Unsplash

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Photo de Arno Senoner via Unsplash

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Photo de Joel Reyer sur Unsplash

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Montréal | Photo: Simon Jodoin

Montréal | Photo: Simon Jodoin

Il y a autre chose qui est en train de changer, et ce n’est sans doute pas sans rapport avec l’arrivée de jeunes élus en politique municipale. De plus en plus, on considère les gouvernements de proximité comme des instances qui peuvent faire le lien entre les besoins des citoyens et les paliers de gouvernement supérieurs. Pour Younes Boukala, ce rôle de courroie de transmission fait partie intégrante de ses responsabilités.

« Maintenant, plus que jamais, on parle du rôle des municipalités. Il y a beaucoup d’enjeux pour lesquels, avant, on se disait : “c’est la compétence du gouvernement du Québec”. Je pense que les gens réalisent qu’en fait, le municipal, c’est le premier palier de gouvernement, c’est le gouvernement de proximité. Donc, les enjeux que les citoyens vivent, la première chose que les gens font, c’est appeler à la Ville ou interpeller leur élu municipal. Par la suite, je vois mon rôle comme une courroie de transmission, qui permet de voir comment on peut diriger les demandes de manière adéquate, au bon partenaire, au bon palier de gouvernement. Donc faire ce travail, pour moi, c’est ça : on est directement en contact. »
-Younes Boukala, conseiller d’arrondissement à Lachine et président de la Commission des jeunes élus de l’Union des municipalités du Québec.

Pour Rémi Trudel, il y a là un vent de changement considérable. Les jeunes élus ont une sensibilité particulière qui leur permet de saisir les préoccupations citoyennes à l’échelle locale afin de les porter pour en faire des enjeux de société, bien au-delà des frontières de leur municipalité.

« D’abord, ils entendent le message et ils le captent. Le maire de Laval, qui écrit un livre, comme reflet de la situation actuelle, et qui demande peut-on développer des quartiers sans voitures ? Ça, c’est parce que c’est la jeunesse qui capte le message. Les jeunes d’aujourd’hui ont développé cette capacité d’écoute. Ils captent les messages sociaux venant des populations de leur territoire et ils renvoient ce message aux niveaux supérieurs et font en sorte que des décisions sont prises, sur leur territoire municipal quand ils le peuvent, mais surtout ils communiquent ce message à toute la société, ce qui fait en sorte que ça force les gouvernements supérieurs à intervenir à partir des messages captés auprès des citoyens. »
- Rémy Trudel, professeur associé à l’ÉNAP, ex-ministre des Affaires municipales

Il reste que ce désir de prendre sur ses épaules des enjeux sociaux et d’agir comme porte-voix de la population, ce n’est pas une tâche facile. Le danger de s’épuiser est bien réel. Et pour Younes, le jeune élu qui arrive plein d’enthousiasme en politique avec le rêve de changer le monde se heurte parfois à bien des obstacles. Pour Younes Boukala, apprendre à composer avec la réalité, c’est un des premiers défis d’un jeune élu. Pour arriver à garder son énergie, savoir conserver du temps et bien définir ce qui est important est une des premières choses à faire.

« Le plus important, c’est quoi ? Est-ce que c’est ta famille ? Est-ce que c’est le sport que tu pratiques ? Est-ce que c’est la lecture, aller au musée ? C’est quoi ton moment ? Il est où l’élément qui fait que tu es dans ta zone de confort ? Il y a toutes sortes de manières, comme jeune élu, de ne pas se brûler, mais il faut vraiment connaître ses limites. Quand on sent que la tête est remplie, qu’on a l’impression que ça te déborde de tous bords, de tous côtés, il faut prendre une pause, un moment, 30 minutes, une heure, mais c’est pour soi. (…) Pour moi, c’est la preuve de l’authenticité. J’ai une collègue qui me disait : “j’étais une personne avant d’être élue, bien, je vais être encore une personne la journée où je serai plus élue”. J’étais un citoyen avant et je vais être un citoyen après. Je pense que c’est ça que les gens trouvent beau dans la politique municipale, le fait de garder ça humain. Moi, je pense que c’est la seule approche qui fonctionne vraiment. »
-Younes Boukala, conseiller d’arrondissement à Lachine et président de la Commission des jeunes élus de l’Union des municipalités du Québec.

Comment ça va chez vous ? est une production des Coops de l'information
en partenariat avec l'Union des municipalités du Québec
Conception, réalisation et animation : Simon Jodoin

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