LA CITÉ MODÈLE, UNE VILLE DANS UNE VILLE

Dès le début de 1920, le quadrilatère des rues Pacifique, McManamy, Kitchener et Haig forme le cœur de la «cité modèle». (Photo Fonds Louis-Philippe Demers, Mhist)

Dès le début de 1920, le quadrilatère des rues Pacifique, McManamy, Kitchener et Haig forme le cœur de la «cité modèle». (Photo Fonds Louis-Philippe Demers, Mhist)

M. Hist,

J’ai entendu parler d’une «cité modèle» à Sherbrooke… Où est-elle située, savez-vous? Et pourquoi est-elle «modèle», au juste?

Laure-Anne O.

Chère Laure-Anne,

Précise et pleine de curiosité, voilà une «question modèle»! Allons faire un tour dans le quartier ouest, proche de la rue du Pacifique, pour y répondre.

Au début du 20e siècle, Sherbrooke est solidement installée en tant que ville de commerces et d’industries, desservie par les lignes de chemin de fer du Canadien Pacifique et du Canadien National. Sa population est deux fois plus importante en 1920 que vingt ans auparavant, pour atteindre près de 23 000 habitants. L’industrie est en plein essor et la ville doit s’étendre en conséquence: c’est dans ce contexte que le problème du logement, et plus particulièrement du logement ouvrier, se pose à Sherbrooke.

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Une vue panoramique du chantier de la «cité modèle», vers 1920. Le bois utilisé dans le chantier provient de Bromptonville. (Photo Collection Myra et Maurice St-Pierre, Mhist)

Une vue panoramique du chantier de la «cité modèle», vers 1920. Le bois utilisé dans le chantier provient de Bromptonville. (Photo Collection Myra et Maurice St-Pierre, Mhist)

(Photo Collection Myra et Maurice St-Pierre, Mhist)

(Photo Collection Myra et Maurice St-Pierre, Mhist)

(Photo Collection Myra et Maurice St-Pierre, Mhist)

(Photo Collection Myra et Maurice St-Pierre, Mhist)

Ce qu’on nomme «cité modèle» est un ensemble de maisons qui forment un petit quartier d’habitations ouvrières, construites en 1920 par la Sherbrooke Housing Company (SHC). La construction est soutenue financièrement par le gouvernement et par la Canadian Connecticut Cotton Mills (plus tard la Dominion Textile) située sur la rue du Pacifique. L’entreprise sera au premier rang pour profiter de l’afflux d’ouvriers venus se loger à proximité de leur lieu de travail.

Dès février 1920, on désigne ce projet sous le nom de «cité modèle» (model city); le Sherbrooke Daily Record publie des annonces incitant à réserver les maisons qui s’apprêtent à être bâties. La cité est un quadrilatère délimité au nord par la rue Pacifique, au sud par la rue McManamy, par la rue Kitchener à l’est et la rue Haig à l’ouest. Il y a huit modèles distincts de maisons, d’architecture semblable, mais de tailles et de formes différentes.

Le Sherbrooke Daily Record annonce le début du projet, lorsque la Sherbrooke Housing Company manifeste son intérêt pour des terrains au bord de la rivière. (Image Sherbrooke Daily Record, 17 décembre 1919)

Le Sherbrooke Daily Record annonce le début du projet, lorsque la Sherbrooke Housing Company manifeste son intérêt pour des terrains au bord de la rivière. (Image Sherbrooke Daily Record, 17 décembre 1919)

Le coup d’envoi du projet est donné au début de l’année 1920, lorsque la SHC achète un terrain de 51 acres au bord de la rivière Magog. Les plans sont établis au printemps et le chantier d’une centaine de maisons démarre dans la foulée. Par la suite, les travaux de nivellement des rues commencent au début de l’année 1921, ainsi que des travaux d’aménagement des canalisations. Le bois de construction est local et provient des scieries de Bromptonville. Les travaux achèvent à l’automne 1921.

Les maisons de la «cité modèle» se tiennent tout contre la Canadian Connecticut Cotton Mills et étaient destinées à accueillir les ouvriers de la manufacture de textile. (Photo Fonds Louis-Philippe Demers, Mhist)

Les maisons de la «cité modèle» se tiennent tout contre la Canadian Connecticut Cotton Mills et étaient destinées à accueillir les ouvriers de la manufacture de textile. (Photo Fonds Louis-Philippe Demers, Mhist)

La cité est assez particulière dans son genre: elle est une «ville dans une ville», une «banlieue-jardin» qui prend en fait «modèle» sur la cité ouvrière expérimentée par la Connecticut Cotton Mills à Danielson, au Connecticut. On mentionne alors que le quartier comprend des garderies, des parcs et lieux d’amusement, des médecins et des infirmières. Bref, des maisons «salubres» et des aménagements pour rendre «heureux, contents, bien pourvus et bien logés» les ouvriers de la cité.

Plusieurs journaux rapportent dans leurs pages la création d’une «cité modèle» pour les ouvriers sherbrookois. (Image L’Avenir du Nord, 14 mai 1920)

Plusieurs journaux rapportent dans leurs pages la création d’une «cité modèle» pour les ouvriers sherbrookois. (Image L’Avenir du Nord, 14 mai 1920)

Encore aujourd’hui, si vous vous promenez dans ce secteur de l’ouest sherbrookois, vous pourrez imaginer la grandeur du chantier qui a donné naissance à ce quartier.

Si la proximité des travailleurs et travailleuses avec leur lieu de travail a certainement réduit, comme le chantait Clémence DesRochers, «le ch'min d'la factrie à maison», les conditions de travail demeuraient difficiles à alléger. Cette cité historique demeure un modèle, au sens où elle est un exemple, une illustration, qui témoigne des conditions de son temps.

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  • Conception graphique La Tribune, Cynthia Beaulne