La Maison du cinéma est-elle le premier cinéma à Sherbrooke?

Vue sur l’intérieur du Cinéma de Paris, en 1950. (Photo Collection du Musée d’histoire de Sherbrooke)

Vue sur l’intérieur du Cinéma de Paris, en 1950. (Photo Collection du Musée d’histoire de Sherbrooke)

M. Hist,

Peux-tu nous raconter une histoire du cinéma à Sherbrooke? Je me demande si la Maison du cinéma est le plus vieux cinéma de la ville?

Thierry

Cher Thierry,

Retournons à l’arrière-plan, dans les premières minutes du scénario de l’histoire du cinéma à Sherbrooke. Mais avant tout, sans vouloir divulgâcher la fin du film, non, La Maison du cinéma n’est pas le plus vieux cinéma de la ville. Moteur… action!

Sherbrooke n’a pas attendu longtemps pour découvrir la magie du septième art. Dès 1873, des vues stéréoscopiques sont projetées dans certaines salles de la ville. Ce n’est pas encore du cinéma tel que nous le connaissons aujourd’hui, mais une première forme de projection qui fascine les spectateurs de l’époque. Notre ville a également la chance d’être l’une des premières à accueillir le cinématographe des frères Lumière.

En 1896, à peine un an après la France, la Salle des Arts de Sherbrooke présente des films comme La sortie des ateliers Lumière ou La gare de la Ciotat à l’angle des actuelles rues Dufferin et Frontenac! Ceux qu’on appelle les projectionnistes ambulants» parcourent ainsi le Québec et viennent s’installer quelques jours à Sherbrooke pour proposer un cinéma itinérant - qui doit sa popularité à l’accès direct par les chemins de fer reliant Sherbrooke aux États-Unis.

Vue sur l’intérieur du Théâtre Granada, en 1930. (Photo Fonds Radio-Québec, Musée d’histoire de Sherbrooke)

Vue sur l’intérieur du Théâtre Granada, en 1930. (Photo Fonds Radio-Québec, Musée d’histoire de Sherbrooke)

Mais quel est le véritable premier cinéma de Sherbrooke? En 1907, le Palace of Illusions fait son apparition au 61 rue Wellington. Il ne s’agit plus de salles temporaires, mais bien d’un premier cinéma avec des salles dédiées comme on les connaît aujourd’hui. Propriété de la compagnie Heth et Ward, le lieu subit un incendie après seulement huit mois d’activité, le sinistre a probablement été causé par un cigare laissé entre deux sièges…

Dans le Sherbrooke Daily Record, une publicité du Palace of Illusions, en août 1907.

Dans le Sherbrooke Daily Record, une publicité du Palace of Illusions, en août 1907.

Le Bijou Théâtre le remplace dès 1908. Le lieu de ce dernier n’est pas indiqué, mais par la description trouvée dans le Daily Record: «New attractions, new pictures, new management», on peut supposer qu’il prend place au même endroit que le Palace of Illusions. Il est bientôt suivi par d’autres comme le Kinemacolor en 1911, qui introduit la «couleur naturelle» au cinéma.

Toutefois, ce n’est qu’en 1929, avec l’ouverture du Granada, que la ville se dote d’un cinéma d’envergure: un lieu de 1700 places, véritable joyau architectural. L’ambiance somptueuse du Granada devient un modèle pour les salles de spectacle de l’époque.

Les années 1920 à 1940 marquent un âge d’or pour le cinéma à Sherbrooke. La salle His Majesty’s, transformée à partir de l’opéra Clément, et le Cinéma de Paris, consacré aux films français, ajoutent de la diversité à la programmation. Ces lieux sont devenus des temples pour les amateurs de cinéma, où les films américains côtoient les grands classiques du cinéma européen.

Projecteur du cinéma Premier, en 1960. (Photo Fonds Rodrigue Guilbault, Musée d’histoire de Sherbrooke)

Projecteur du cinéma Premier, en 1960. (Photo Fonds Rodrigue Guilbault, Musée d’histoire de Sherbrooke)

Les années 1950 apportent de nouveaux défis avec l’arrivée de la télévision, qui prend peu à peu la place des cinémas traditionnels. Le Premier, le Rex, et le Capitol doivent se réinventer. En parallèle, l’ère des multiplexes commence à se dessiner avec l’ouverture de nouvelles salles et l’arrivée de la vidéo. Parmi ces cinémas aux salles multiples, le Carrefour de l’Estrie accueille un cinéma avec trois salles au sein même du centre commercial du boulevard de Portland dans les années 1970.

Extérieur du cinéma Capitol, en 1985. (Photo Collection du Musée d’histoire de Sherbrooke)

Extérieur du cinéma Capitol, en 1985. (Photo Collection du Musée d’histoire de Sherbrooke)

Et voici que, dans les années 1980, un vent de renouveau souffle sur la ville pour les amateurs du septième art. La Maison du cinéma ouvre ses portes sous l’impulsion de Jacques Foisy. Elle ne se contente pas de reprendre l’héritage des cinémas d’antan, mais l’adapte à une nouvelle époque, en multipliant ses salles et en offrant une programmation variée et internationale.

En 1990, le cinéma passe de deux à quatre salles, puis à six, et ainsi de suite, jusqu’à atteindre dix salles en 2001.

En somme, l’actuel édifice de La Maison du cinéma est le plus ancien à abriter un cinéma encore en activité: d’abord le cinéma Premier en 1910, puis le Festival en 1976 avant de prendre une tournure provocante en 1977 sous la bannière du Capri qui projette des films érotiques. Il se transforme finalement en 1985 en La Maison du cinéma.

Ainsi, la scène du cinéma sherbrookois nous réserve bien des rebondissements. Du Palace of Illusions jusqu’à La Maison du cinéma, nous pouvons dire que l’histoire du cinéma à Sherbrooke connaît bien des séquences!

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