LA PREMIÈRE VOITURE À ESSENCE AU CANADA ÉTAIT SHERBROOKOISE

Cher M. Hist,
Il me semble avoir lu (était-ce dans les pages de La Tribune?) il y a des lustres, que le Sherbrookois G. F. Foss avait assemblé, dans son atelier de réparation de bicyclettes, la première voiture automobile propulsée par un moteur à combustion interne au Canada. Et que cette voiture avait précédé l'arrivée sur le marché de la Ford Model T. Sans doute pouvez-vous me rafraîchir la mémoire. Merci!
Normand G.
En voiture!
Quelle histoire fulgurante que celle de l’automobile. Son développement et sa popularisation est certes un élément-clé du 20e siècle avec des impacts sur nos déplacements, sur le développement de nos villes et, bien sûr, sur l’environnement. Sans en connaître tous les futurs impacts, le jeune machiniste et mécanicien George Foote Foss, natif de Sherbrooke, est au cœur de cette révolution.

(Image The Sherbrooke Examiner, 24 avril 1896)
(Image The Sherbrooke Examiner, 24 avril 1896)
Rappelons tout de même que des voitures autopropulsées (sans chevaux) existent depuis plusieurs décennies au moment des essais techniques et mécaniques de Foss. Dès 1789, le Français Joseph Gugnot construit un véhicule à trois roues comportant une chaudière à l’avant. Plus près de chez nous, l’Américain Sylvester Roper présente, dans les années 1860, des véhicules à quatre roues et sans chevaux. Un de ces modèles inspire notamment Henry Seth Taylor, de Stanstead, qui dévoile, en 1867, la première automobile à vapeur conçue au Canada.
Mais revenons au génie de George Foote Foss. En 1896, alors qu’il a à peine vingt ans, il décide d’élaborer son propre véhicule dans son atelier de la rue Water (actuelle rue des Abénaquis). L’invention qui en ressort, la Fossmobile, n’est rien de moins que le premier véhicule à essence au Canada! Vous avez donc une bonne mémoire: nous sommes cinq ans avant la Model A de Ford, et onze ans avant la célèbre Model T.
La machine de Foss comporte un moteur monocylindre et deux vitesses, et peut atteindre la vitesse de 24 km/h! Dans son livre The True Story of a Small Town Boy (1954), Foss raconte:
«C’était l’année 1896. J’avais travaillé dessus tout l’hiver et à l’automne elle était prête à être essayée sur la route. Elle fonctionnait bien et même si sa vitesse n’était que de douze à quinze milles par heure [19 à 24 km/h], elle semblait assez rapide pour l’époque. Elle grimpait n’importe quelle côte raide à Sherbrooke et était d’une grande utilité pour mes affaires.»

C’est sans freins, sans marche arrière et sans peur que George Foote Foss circule pendant quelques années dans les rues (et les côtes!) de Sherbrooke à bord de son engin, et ce, à la stupéfaction des passants.
Après quelques années de conduite, ayant décliné toutes les offres d’association (notamment de la part de Henry Ford) et de financement et refusant de produire sa voiture en série, notre inventeur vend finalement sa Fossmobile. On perd alors la trace de ce bolide qui disparaît des rues sherbrookoises et de la mémoire collective.
Notre pionnier ne s’arrête cependant pas en si bon chemin et continue ses expérimentations. En 1903, on peut lire dans Le Progrès de l’Est qu’il «a lancé son bateau à gazoline sur le lac Massawippi» et que ce «premier essai a très bien réussi». Après son déménagement à Montréal, il crée un grand atelier d’usinage qui demeure en activité jusqu’à la fin des années 1920.

La reconstitution de la Fossmobile en 2022, à l’événement L’Histoire fait son marché tenu au Marché de la Gare de Sherbrooke. (Photo Collection Musée d’histoire de Sherbrooke)
La reconstitution de la Fossmobile en 2022, à l’événement L’Histoire fait son marché tenu au Marché de la Gare de Sherbrooke. (Photo Collection Musée d’histoire de Sherbrooke)
La Fossmobile fait son grand retour à Sherbrooke en 2022, au Marché de la Gare, grâce au travail de recherche et à l’ingéniosité de Ron Foss, le petit-fils de George, qui a reproduit pièce par pièce le véhicule mythique.
À défaut de briser des records de vitesse, la voiture sherbrookoise de Foss a très certainement marquée l’histoire locale et nationale!
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Conception graphique La Tribune, Cynthia Beaulne