La Sherbrookoise qui a survécu à l'Empress of Ireland
Par M. Hist - Musée d'histoire de Sherbrooke

M. Hist,
Cet été, j’ai visité le Site historique maritime de la Pointe-au-Père, à Rimouski. Dans le musée de l’Empress of Ireland, il est question d’une madame Paton. Est-ce qu’il s’agit d’une Paton de la grande famille de la filature sherbrookoise?
Jérôme
Cher Jérôme,
Vous nous entrainez dans une grande aventure sur un paquebot d’une ampleur et d’un destin tout autre que les croisières locales de l’Enterprise (Un voyage prisé en bateau à vapeur sur la Saint-François)!
En réponse très courte à votre question: oui, la dame dont il est question au musée de Rimouski est bel et bien de la fameuse famille Paton de Sherbrooke.

Allons-y en détail maintenant. Ai-je le choix de nous situer un peu? L’Empress of Ireland est un transatlantique de luxe appartenant à la compagnie Canadien Pacifique (oui, oui, les mêmes que pour le chemin de fer). Le paquebot parcourt le St-Laurent vers l’Angleterre depuis 1906. C’est, par contre, la nuit du 29 mai 1914 qui nous intéresse ici. Cette nuit-là, alors que 1057 passagers et 420 membres du personnel d’équipage sont à bord, l’Empress of Ireland entre en contact avec le Storstad, un charbonnier norvégien. Le choc est sans appel, le bateau sombre malheureusement en moins de 13 minutes.
Les médias locaux rapportent évidemment le naufrage de l’Empress of Ireland. (Photo La Tribune, 30 mai 1914)
Les médias locaux rapportent évidemment le naufrage de l’Empress of Ireland. (Photo La Tribune, 30 mai 1914)
La vitesse du naufrage, jumelée à l’impossibilité d’utiliser la majorité des embarcations de sauvetage et à la basse température de l’eau, entrainent un destin tragique pour une grande partie des personnes à bord.
Ils sont environ 30% à survivre à cet événement, dont seulement 217 passagers.
Mais tout ça, vous le savez peut-être déjà si vous avez été attentifs lors de votre visite au musée de l’Empress of Ireland. Revenons donc à madame Paton.
Il s’agit de madame Ethel Sabina Grundy ou comme on dit à l’époque Mrs W.E. Paton. Elle est donc l’épouse de William E. Paton, homme d’affaires de Sherbrooke et un des enfants d’Andrew (Quand Sherbrooke était chef de fil du lainage). Comme vous le savez la manufacture Paton est encore, en 1914, l’un des plus grands employeurs de notre ville. Pas étonnant qu’on dise alors que Mme Paton est l’une des personnes les plus fortunées à bord de l’Empress of Ireland, durant cette fameuse nuit.

Ethel Paton espère se rendre en Égypte pour visiter ses frères journalistes là-bas. Elle occupe la cabine numéro 32 du pont supérieur, en première classe.
Selon son propre témoignage, lors de la collision, elle entend le bruit, sort et retourne ensuite dans sa cabine. Quelques instants plus tard, un homme l’interpelle en lui disant «si vous voulez être sauvés, mettez votre veste de sauvetage et allez sur le pont». Madame Paton s’exécute et compte parmi les survivantes de ce naufrage.
Rapidement en 1914, la liste des passagers – survivants et décédés – est connue. Parmi les survivantes dans les cabines de première classe, on y trouve le nom de Mme W.E. Paton, de Sherbrooke. (Photo The tragic story of the Empress of Ireland, 1914, p.118-119. Collection John Hayes, Musée d’histoire de Sherbrooke)
Rapidement en 1914, la liste des passagers – survivants et décédés – est connue. Parmi les survivantes dans les cabines de première classe, on y trouve le nom de Mme W.E. Paton, de Sherbrooke. (Photo The tragic story of the Empress of Ireland, 1914, p.118-119. Collection John Hayes, Musée d’histoire de Sherbrooke)
Les journaux du 29 et 30 mai 1914 nous apprennent qu’un train spécial de la compagnie Québec Central (son père n’y a-t-il pas été vice-président!) est mis à la disposition de la famille pour aller récupérer rapidement Mme Paton. Une fois revenue à Sherbrooke, son histoire sera un sujet de discussion dans les cercles mondains.
Avec le temps, même localement, on retiendra davantage l’histoire de la tragédie de ce paquebot que du sauvetage de Mme W.E. Paton. Le lien sherbrookois avec l’Empress of Ireland disparaissait de notre mémoire… jusqu’à votre vivacité à faire des liens avec l’histoire locale!
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Cynthia Beaulne, La Tribune
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