Le feuilleton des inondations sherbrookoises

Des pompiers sur leur camion dans l’eau sur la rue King: ils passent devant un épicier qui annonce les cigarettes Sweet Caporal, en juin 1942. (Photo Fonds IS3 Musée d'histoire de Sherbrooke)

Des pompiers sur leur camion dans l’eau sur la rue King: ils passent devant un épicier qui annonce les cigarettes Sweet Caporal, en juin 1942. (Photo Fonds IS3 Musée d'histoire de Sherbrooke)

Le centre-ville a souvent été le théâtre d’inondations majeures. Est-ce que les inondations sont déjà montées jusqu’au coin King et Wellington? 

Elizabeth

Chère Elizabeth,

Votre question nous fait nager entre deux eaux! En effet, nous ne pouvons pas affirmer que l’intersection des rues King et Wellington n’ait jamais été touchée par des inondations, tout comme nous ne pouvons prouver qu’elle l’ait été… L’absence de sources concernant le secteur dont vous faites mention laisse supposer qu’il a probablement échappé aux inondations les plus sévères.

Cela dit, les flots ont sans contredit gravit la King à plusieurs reprises, mais pas à la hauteur de la Wellington. Sur l’axe Nord-Sud, on sait que l’ancien garage Picotte, situé à proximité du stationnement de la Grenouillère, ainsi que de nombreux secteurs situés aux abords des rues King et Grandes-Fourches se sont retrouvés sous les eaux de la Saint-François, gonflée par les crues du printemps.

Écroulement du pont du QCR lors de l’inondation de 1896. (Photo Fonds NNGF, Musée d’histoire de Sherbrooke)

Écroulement du pont du QCR lors de l’inondation de 1896. (Photo Fonds NNGF, Musée d’histoire de Sherbrooke)

Allons-y avec un retour dans le temps, car l’histoire des inondations à Sherbrooke se lit comme un véritable feuilleton! En 1874, alors que les diligences assurant le service entre Sherbrooke et Cookshire se voient contraintes de rebrousser chemin face à des ponts emportés et des routes submergées, la Ville affronte déjà la rivière Saint-François qui s’étend au-delà de ses limites habituelles. En 1876, on enregistre un nouvel épisode sur la rue King qui est cette fois envahie par environ quatre pieds d’eau!

L’année 1896 est une véritable démonstration de force: une fonte rapide des neiges provoque une crue sans précédent qui submerge le bas centre-ville sur plus d’un kilomètre et entraîne même l’effondrement du pont du Quebec Central Railway, emporté par la pression de la glace! 

En 1900, la rue Windsor subit également une inondation notable, ajoutant un nouvel épisode à ce registre déjà bien fourni. Les années suivantes ne manquèrent pas de rappeler que la nature peut parfois jouer les trouble-fêtes. En 1924, de violentes pluies torrentielles inondent le centre-ville, isolant même des localités comme Cookshire et Coaticook et causant d’importants dégâts, tandis que 1927 voit une nouvelle inondation majeure interrompre le transport direct vers le cœur de la ville.

Vue sur la rue Windsor inondée: de chaque côté de la rue, des badauds regardent la situation. En arrière-plan, deux chaloupes circulent dans la rue, le 20 avril 1900. (Photo Fonds Arthur Olivier, Musée d’histoire de Sherbrooke)

Vue sur la rue Windsor inondée: de chaque côté de la rue, des badauds regardent la situation. En arrière-plan, deux chaloupes circulent dans la rue, le 20 avril 1900. (Photo Fonds Arthur Olivier, Musée d’histoire de Sherbrooke)

Au fil des décennies, certains épisodes retiennent l’attention pour leur singularité. Par exemple, on raconte qu’en mars 1936, un bébé est conduit en chaloupe pour son baptême, nous imaginons en compagnie de ses parents même si l’histoire ne le précise pas, preuve que, malgré la colère des flots, la vie continue de suivre son cours. Tout aussi impensable, au début des années 1940, de bons Samaritains se lancent en chaloupe pour aller chercher une femme enceinte, sur le point d’accoucher, afin de la conduire en toute sécurité à l’hôpital!

Lors de l'inondation de juin 1942, plusieurs chevaux seront mis à contribution pour réussir à assurer certains déplacements entre le haut du pont Aylmer et la rue Wellington, restée au sec. (Photo Fonds Sherbrooke Hospital school of nursing, Musée d'histoire de Sherbrooke)

Lors de l'inondation de juin 1942, plusieurs chevaux seront mis à contribution pour réussir à assurer certains déplacements entre le haut du pont Aylmer et la rue Wellington, restée au sec. (Photo Fonds Sherbrooke Hospital school of nursing, Musée d'histoire de Sherbrooke)

Ces témoignages locaux traduisent avec émotion et un brin d’humour l’esprit de solidarité qui anime les habitants lors de coups durs. Et n’oublions pas l’imposante inondation de juin 1942, alors que, durant près de 30 heures, une pluie diluvienne fait déborder la Saint-François, submergeant le garage Picotte, la rue King Ouest entre le pont Aylmer et la rue du Dépôt ainsi que de nombreux quartiers riverains. Pompiers, bénévoles et… chevaux sont alors mis à contribution. Évidemment, de tels événements restent gravés dans les mémoires, et souvent pour plus d’une génération.

Deux pompiers à l’œuvre sur la rue King, le 16 juin 1942. (Photo Fonds Lucien Lachance, Musée d’histoire de Sherbrooke)

Deux pompiers à l’œuvre sur la rue King, le 16 juin 1942. (Photo Fonds Lucien Lachance, Musée d’histoire de Sherbrooke)

L’histoire se poursuit avec une nouvelle inondation en 1948, touchant Sherbrooke et Bromptonville, et plus récemment, en avril 2014, où le centre-ville est de nouveau envahi par des eaux atteignant 7,6 mètres, entraînant l’évacuation de plus de 600 personnes et la fermeture de nombreux tronçons de rue.

Si ces épisodes confirment la puissance déchaînée de la nature dans notre région, l’absence de témoignages et de photographies relatant une inondation sur la rue King à la hauteur de la rue Wellington laisse à penser que ce secteur a, jusqu’à présent (et ne le souhaitons pas!), eu la chance de demeurer à l’écart de ces débordements les plus sévères…

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