Les cabines Armitage: quand on prenait des vacances au coin King et Jacques-Cartier

Les cabines Armitage sont populaires principalement depuis les années 1930 et attirent dans un premier temps des voyageurs de plaisance. (Photo Fonds Paul Gagné, Mhist)

Les cabines Armitage sont populaires principalement depuis les années 1930 et attirent dans un premier temps des voyageurs de plaisance. (Photo Fonds Paul Gagné, Mhist)

Bonjour M. Hist,

Je suis tombé sur une vieille photo de locations touristiques, avec piscine, petits chalets, activités… au cours des années 1940. On me dit que c’était situé à la hauteur du carrefour des rues Jacques-Cartier et King! Drôle d’endroit pour une destination de vacances, non?

Des locations touristiques? En pleine rue King Ouest? Vous l’avez dit: drôle d’endroit! Qui irait se prélasser en pleine zone marchande? C’est qu’il ne faut pas oublier que ce coin de la ville a considérablement changé depuis un siècle… Il est temps de nous improviser touristes et de retourner dans le temps, jusqu’aux cabines Armitage…

Les cabines vers 1948. Elles sont situées sur la rue King Ouest, qui se trouve à l’époque aux limites de la ville. (Photo Collection Clovis Roy, Mhist)

Les cabines vers 1948. Elles sont situées sur la rue King Ouest, qui se trouve à l’époque aux limites de la ville. (Photo Collection Clovis Roy, Mhist)

Les cabines Armitage en 1926. (Photo La Tribune)

Les cabines Armitage en 1926. (Photo La Tribune)

L’histoire commence lorsque, en janvier 1920, M. George Armitage fait l’acquisition de deux lots appartenant à la British American Land Company, sur Montreal Road (l’actuelle rue King Ouest). L’objectif initial est d’y bâtir sa résidence principale. À cette époque, nous sommes aux limites de la ville, pour ne pas dire dans la campagne! Toutefois, les plans de l’ancien conseiller semblent changer quelque peu.

(Plan d’assurances de 1953, feuillet 37)

(Plan d’assurances de 1953, feuillet 37)

Bien vite, une station-essence apparaît sur une portion que M. Armitage cède à côté de son terrain. La station elle-même est suivie par plusieurs «cabines» destinées à loger les touristes et les voyageurs, qui viennent passer des séjours plus ou moins longs dans la Reine des Cantons-de-l’Est. C’est le début de la vocation de villégiature du secteur.

Le mot circule. Les premières publicités pour les Armitage’s Tourist Cabins and Camping Grounds (cabines touristiques et terrains de camping Armitage) apparaissent dans le Sherbrooke Daily Record, chaque semaine entre mai et juillet 1930. Elles se font connaître juste à temps pour les vacances!

Imaginez le cadre: en plus d’une douzaine de petits chalets meublés, le site propose aux visiteurs une «salle à dîner» où l’on sert hot dogs, hamburgers et «patates frites françaises»… Jusqu’à minuit! À partir des années 1950, on y trouve également un restaurant avec service à l’auto (ce qu’on appelle alors le «Curb service»), le premier du genre à Sherbrooke! Aussi, malgré la proximité de deux plages (Jacques-Cartier et Saint-Esprit – actuelle plage Blanchard), une piscine accueillante et rafraîchissante lors des chaudes journées d’été est aménagée sur le site et mise à la disposition de la clientèle qui y séjourne.

Vous imaginez bien que le succès est au rendez-vous. Un succès tel, que quelques années plus tard, le site se dote d’une boutique dans laquelle on trouve toutes sortes d’articles: nattes à thé faites à la main, vêtements, cabarets peints… De quoi quitter les lieux reposé, rassasié et des souvenirs plein la tête et les valises!

Yvette Reeves, Cécile Dutil et Claire Langis au bord de la piscine des cabines Armitage vers 1950. (Photo Fonds famille Rodolphe Langis, Mhist)

Yvette Reeves, Cécile Dutil et Claire Langis au bord de la piscine des cabines Armitage vers 1950. (Photo Fonds famille Rodolphe Langis, Mhist)

À la suite d’un incendie survenu en 1952, les affaires sont sur le déclin. De réaménagements en démolitions, les cabines Armitage doivent composer avec une concurrence hôtelière de plus en plus rude. Sans oublier le fait que l’urbanisation gagne du terrain et que le secteur offre de moins en moins le dépaysement attendu par les villégiateurs.

C’est aussi dans la fin de la décennie 1950 que l’on commence à distinguer dans l’annuaire le Restaurant Armitage, les Armitage's Cabins et le Armitage's Hotel (lequel devient Motel l’Ermitage en 1968) sur la rue King Ouest. D’ailleurs, ce dernier demeure en activité pendant les quarante années qui suivent! Pas mal, pour une «reprise de flambeau».

Le Motel l’Ermitage, de style plus moderne, prend la place des anciennes «cabines touristiques» entre 1975 et 1987. (Photo Fonds famille Bolduc, Mhist)

Le Motel l’Ermitage, de style plus moderne, prend la place des anciennes «cabines touristiques» entre 1975 et 1987. (Photo Fonds famille Bolduc, Mhist)

À la suite de son rachat en 2010, l’Ermitage est finalement démoli (2011) pour laisser place à un projet de développement commercial dans le secteur. Aujourd’hui, on trouve sur l’ancien site de villégiature des bâtiments commerciaux: la SAQ, un Dollarama et un supermarché Provigo, des restaurants et des bureaux professionnels. Les vacances sont terminées. Les cabines Armitage, comme son successeur le Motel l’Ermitage, laissent des souvenirs impérissables aux vacanciers ou visiteurs de passage à Sherbrooke… ainsi qu’au lectorat friand d’histoire!

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