LES «DAMES» D'ACIER DE LA WELLINGTON

Le toit en plexiglas laisse passer la lumière et protège des précipitations, laissant les trottoirs et les vitrines baignés par les rayons du soleil. (Photo Fonds Ville de Sherbrooke, Mhist)

Le toit en plexiglas laisse passer la lumière et protège des précipitations, laissant les trottoirs et les vitrines baignés par les rayons du soleil. (Photo Fonds Ville de Sherbrooke, Mhist)

Cher M. Hist,

Vous vous rappelez sûrement les marquises du centre-ville. Savez-vous pourquoi ce concept avait été pensé et pourquoi elles ont été retirées?

Ah! Les fameuses marquises du centre-ville! Ces marquises-là sont des «dames» d’acier avec une coiffe en plexiglas. Invitées au centre-ville, puis congédiées, elles ont marqué pendant près de 25 ans le paysage urbain sherbrookois.

Dans les années 1970, on rêve d’un nouveau centre-ville, plus moderne et praticable, même en cas d’intempéries. (Photo Fonds Ville de Sherbrooke, Mhist)

Dans les années 1970, on rêve d’un nouveau centre-ville, plus moderne et praticable, même en cas d’intempéries. (Photo Fonds Ville de Sherbrooke, Mhist)

Ce n’est pas d’aujourd’hui que l’on souhaite valoriser le centre-ville et particulièrement la rue Wellington. Ce projet de valorisation du centre-ville, et plus particulièrement de la rue, commence à s’immiscer dans les esprits à l’été 1972. Il faut rappeler le contexte de l’époque, qui a son importance: les nouveaux centres commerciaux sur King et Belvédère ont fait leur apparition dans le courant des années 1960 et on commence à parler d’un futur centre commercial régional. L’enjeu est donc économique: il s’agit de maintenir l’attractivité de cette artère marchande qu’est la rue Wellington.

Toutefois, c’est davantage au prétexte de la météo que l’idée d’installer des marquises sur la rue Wellington fait irruption dans la presse locale. On peut lire dans La Tribune du 25 juillet que «les pluies abondantes de cet été pourraient avoir des effets imprévus à Sherbrooke […] on raconte en effet, que les hommes d’affaires du centre-ville (rue Wellington particulièrement) songent à couvrir les trottoirs d’une marquise transparente qui permettrait aux clients de marcher ou de faire leurs emplettes à l’abri des intempéries hiver comme été».

On dit alors s’inspirer de projets réalisés à Miami, en Floride…

Un an plus tard, à la mi-juillet 1973, le conseil municipal donne son accord pour enclencher le programme de revitalisation du centre-ville. La première phase de ce plan inclut l’élargissement des trottoirs de la rue Wellington Nord et leur recouvrement par une marquise. Les travaux préliminaires démarrent en janvier 1974 et un mois plus tard, les maquettes sont dévoilées au public.

Les travaux vont bon train, en dépit de quelques tensions entre la Ville et le Théâtre Granada concernant le décrochage de sa propre marquise en devanture et de son panneau publicitaire. Les marquises sont définitivement installées à la fin du printemps 1975. Dès l’hiver suivant, on rapporte que des observateurs auraient suggéré à la Ville de faire installer des auvents au sommet des marquises afin d’éviter que la neige ne s’y accumule… Preuve que l’argument de la météo n’est jamais très loin.

Les marquises de la rue Wellington, fraîchement installées. (Photo de 1975, Fonds Ville de Sherbrooke, Mhist)

Les marquises de la rue Wellington, fraîchement installées. (Photo de 1975, Fonds Ville de Sherbrooke, Mhist)

Insouciantes du mauvais temps, deux personnes déambulent sous la protection des marquises. (Photo Fonds Doug Gerrish, Mhist)

Insouciantes du mauvais temps, deux personnes déambulent sous la protection des marquises. (Photo Fonds Doug Gerrish, Mhist)

Au fil des années, la population, les commerçants et les élus sont partagés quant aux marquises. Différents aspects nourrissent les discussions: leur esthétique, leur place dans le paysage de la rue, leur aspect pratique, le coût associé à leur entretien ou à leur suppression et même leur impact sur le stationnement.

C’est la décennie 1990 qui aura raison de ces installations. À l’été 1992, la Ville commande une étude destinée à évaluer les impacts et les coûts d’un potentiel retrait des marquises.

En 1994, dans un ultime effort d’accommodement, plusieurs sections des marquises sont retirées, alors que d’autres sont repeintes en vert. Mais en vain: un projet de réaménagement de la rue Wellington Nord devisé en 1997 aboutit au retrait définitif des fameuses marquises.

Les façades des immeubles du centre-ville redeviennent visibles, révélant les détails oubliés, les trésors d’architecture comme les imperfections. De nouvelles places de stationnement sont aménagées. On décrit même un centre-ville plus sûr, aux trottoirs mieux éclairés et plus dégagés.

Au début de l’été 1997, on ne chante rien de moins qu’une rue Wellington «libérée»!

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Conception graphique La Tribune, Cynthia Beaulne