LORENZO LAMONTAGNE, LE PREMIER À (PRESQUE) TRAVERSER LE MEMPHRÉMAGOG À LA NAGE
Bonjour Monsieur Hist,
Il serait intéressant d’en apprendre sur le nageur d’une époque assez lointaine, M. Lorenzo Lamontagne, qui a entrepris la traversée du lac Memphrémagog et a dû quitter la course, sorti de l’eau un peu de force par ses coéquipiers en chaloupe! Merci, j’attends votre chronique impatiemment.
Lyne G.
Le printemps semble déjà à nos portes et d’aucuns songent déjà au temps où il fera bon de se baigner… Chère Lyne, votre question est une occasion toute trouvée pour nous replonger ensemble dans le récit de l’exploit impressionnant qu’a tenté un Sherbrookois à l’été 1955 : être le premier à traverser le lac Memphrémagog à la nage!
Nous sommes le 9 juillet 1955. Lorenzo Lamontagne, que La Tribune décrit comme «un solide gaillard de 24 ans, natif et résident de Sherbrooke», est sur le point de plonger dans le lac Memphrémagog. Il s’entraîne régulièrement depuis le mois de mars pour la performance qu’il s’apprête à tenter. Son but : devenir le premier homme à relier à la nage Newport (Vermont) à Magog (Québec).
Il entre dans l’eau vers 16h, pour éviter d’être accablé par la chaleur plusieurs heures durant. L’arrivée est prévue à la pointe Cabana, à environ 32 milles de son point de départ (environ 51,5km).
Pendant toute cette épreuve, il sera escorté par un bateau à bord duquel se trouvent cinq personnes, amis et bons nageurs.
(Illustration Mhist)
(Illustration Mhist)
Son allure est bonne : certaines sources évoquent 30 brasses à la minute (environ 3km/h), quand d’autres affirment qu’il effectue du 85-90 brasses à la minute (entre 9 et 10km/h) jusqu’à Indian Point.
La traversée n’est pas la ligne droite qu’il aurait pu espérer; dans la baie MacPherson, il s’égare pendant environ deux milles. Il ne perd pas espoir. Il s’alimente peu, mais efficacement, avec le miel et le chocolat qu’on lui tend.
L’espoir ne le quitte pas, même lorsque proche de l’île de l’Aigle, une entorse vient affliger son épaule.
Peu à peu, il s’essouffle. Surveillé de près par ses camarades, il se laisse convaincre de monter dans l’embarcation et de céder la victoire au lac… Pour cette fois-ci. Nous sommes le 10 juillet 1955. Il est alors à environ deux milles de l’arrivée. Après plus de 21 heures de nage, Lorenzo Lamontagne a perdu près de 20 livres. Revenu sur la rive, près de mille cinq cent personnes l’acclament aux abords du motel Cabana.
(Photo Sherbrooke Daily Record, 11 juillet 1955, Gerry Lemay, Mhist)
(Photo Sherbrooke Daily Record, 11 juillet 1955, Gerry Lemay, Mhist)
Epuisé, endolori, mais loin d’être abattu, Lamontagne répond paisiblement aux questions du Sherbrooke Daily Record, autour d’un café et d’une cigarette. Un échec? Qu’on ne s’y trompe pas; l’exploit est d’avoir entrepris et d’avoir persisté. Sur la rive de Magog comme dans la presse, il n’est pas célébré autrement que comme un héros. À peine sorti des eaux, les cadeaux et les compliments pleuvent.
Un an plus tard, c’est un Magogois de 22 ans, William Connor, qui devient le premier nageur à traverser le lac Memphrémagog. De son côté, Lorenzo Lamontagne en veut encore : il projette une traversée du lac Ontario, du Petit Lac Magog et même de la Manche.
En 1962, le Sherbrookois plonge dans les eaux d’un château de glace qu’il a bâti de ses mains, proche du pont de la Paton, à l’occasion du 125e anniversaire de la ville.
En août 1979, presque vingt-cinq ans après que Lorenzo Lamontagne fut entré dans l’eau, c’est l’inauguration de la première édition de la Traversée internationale du lac Memphrémagog. Les participants et participantes viennent du monde entier.
Assurément, les efforts de M. Lamontagne ont payé : son nom aura traversé, sans fatigue, les sept décennies qui séparent 1955 de la chronique que vous êtes en train de lire. De quoi célébrer avec un peu de miel, de chocolat, un café ou une cigarette.
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