MATTHEW VACHON
matthew.vachon@lenouvelliste.qc.ca

Quand les Nordiques de Québec ont atteint le carré d’as des séries éliminatoires de la Coupe Stanley au printemps 1985, c’est un gardien de 21 ans qui avait aidé l’équipe à se rendre à seulement deux victoires de la finale. Bien qu’il ait disputé ses derniers matchs dans l’uniforme fleurdelysé en 1989, Mario Gosselin est demeuré un membre fort apprécié des amateurs de hockey de Québec.

«Les Nordiques, c’est un sujet chaud. Les gens m’en parlent encore. Souvent, à mon école de hockey, il y a des parents qui m’ont vu jouer quand ils étaient plus petits. C’est une drôle de connexion qui se fait. Les jeunes qui entendent ça ne comprennent pas toujours l’impact que ça a pu avoir la présence des Nordiques et la rivalité avec le Canadien de l’époque»

Mario Gosselin en entrevue avec Le Nouvelliste

C’est à Shawinigan que la carrière de Mario Gosselin a pris son envol. Durant ses trois années avec les Cataractes, il a été repêché dans la LNH, pris part au Championnat du monde junior, amené son équipe dans le carré d’as et trouvé l’amour. (Photo Cataractes de Shawinigan)

C’est à Shawinigan que la carrière de Mario Gosselin a pris son envol. Durant ses trois années avec les Cataractes, il a été repêché dans la LNH, pris part au Championnat du monde junior, amené son équipe dans le carré d’as et trouvé l’amour. (Photo Cataractes de Shawinigan)

Choix de 3e ronde de Québec en 1982, Gosselin avait rapidement fait sensation au Colisée de Québec après une année passée avec l’équipe nationale du Canada. Quelques jours seulement après avoir pris part aux Jeux olympiques de 1984, Gosselin avait connu un début du tonnerre devant la cage des Bleus en signant un blanchissage de 26 arrêts contre les Blues de St. Louis. 

«Pour un jeune Canadien, de jouer professionnellement au hockey, c’est un rêve. Lorsque c’est arrivé dans mon cas, ce n’était pas loin de chez moi, à Thetford Mines. C’était même plus près pour mes proches que quand je jouais junior avec les Cataractes de Shawinigan. Ça a été de beaux moments. […] Je venais d’avoir un bon tournoi olympique. J’ai donc joué un dimanche après-midi contre les Blues. Toutes les personnes qui me connaissent, parents et amis, étaient fières de me voir dans la Ligue nationale de hockey (LNH) et avoir du succès dès le départ.»

Victorieux au match suivant contre les Red Wings de Détroit, Gosselin avait cependant vu sa saison 1983-1984 prendre fin abruptement lorsqu’il a subi une blessure au genou contre les Penguins de Pittsburgh.

À ses débuts dans la LNH, Mario Gosselin a réalisé un jeu blanc de 26 arrêts face aux Blues de St. Louis. (Photo archives La Presse)

À ses débuts dans la LNH, Mario Gosselin a réalisé un jeu blanc de 26 arrêts face aux Blues de St. Louis. (Photo archives La Presse)

Une première saison marquante

Poursuivant sur son bel élan l’année suivante, Gosselin s’est retrouvé à partager le boulot avec le vétéran Daniel Bouchard. Prenant part à 35 des 80 duels de la saison, la fierté de Thetford Mines a pu mettre l’épaule à la roue dans les succès des Québécois cette année-là. Auteurs d’une fiche de 41 gains, 30 défaites et neuf verdicts nuls, les Nordiques ont accroché le 2e rang de la division Princes de Galles avec 91 points, soit trois de moins que le Canadien de Montréal. 

Nommé gardien partant pour le premier affrontement de la confrontation contre les Sabres de Buffalo, Gosselin s’est avéré solide, ce qui a contribué à la victoire de Québec en cinq parties (série d’un format trois de cinq au premier tour). Comme le Canadien avait également disposé des Bruins de Boston en cinq duels, la table était mise pour une reprise de la grande rivalité du Québec. Cela survenait un an après la fameuse série où s’était déroulée la Bataille du Vendredi saint. 

«Les éliminatoires, c’est très intense. Chaque match est crucial et chaque mise en jeu peut devenir vraiment importante. J’avais 21 ans lors de ce printemps. Ça a été très valorisant pour moi de vivre ça. Nous avions tellement une belle équipe à Québec. C’est un souvenir que je garde dans un coin de ma tête. Ça m’arrive encore de me faire parler de ces séries. Les gens me rappellent souvent ce qui s’est passé.»

L'ancien entraîneur des Nordiques de Québec Michel Bergeron se tient derrière les joueurs André Savard, de la gauche, Michel Goulet et Peter Stastny lors d'un match amical des légendes du hockey avec les Canadiens de Montréal au Colisée de Québec, le samedi 13 mars 2010. (Photo archives PC, Jacques Boissinot)

L'ancien entraîneur des Nordiques de Québec Michel Bergeron se tient derrière les joueurs André Savard, de la gauche, Michel Goulet et Peter Stastny lors d'un match amical des légendes du hockey avec les Canadiens de Montréal au Colisée de Québec, le samedi 13 mars 2010. (Photo archives PC, Jacques Boissinot)

Intense au possible, cette nouvelle confrontation opposant le Canadien aux Nordiques n’a pas déçu alors qu’aucune des deux formations n’a été en mesure de signer deux gains de suite. Ultimement, ce sont les hommes de l’entraîneur-chef Michel Bergeron qui ont su s’imposer en sept matchs grâce à un triomphe de 3 à 2 en prolongation, le tout dans la forteresse du Forum de Montréal. Les Nordiques s’étaient avérés particulièrement opportunistes en inscrivant trois de leurs quatre victoires en prolongation dans cette bataille.

Au cours d’un parcours qui s’est arrêté à deux victoires d’une participation à la finale, Gosselin et les Nordiques avaient écarté le Canadien en sept matchs au deuxième tour des séries. (Photo archives Le Soleil)

Au cours d’un parcours qui s’est arrêté à deux victoires d’une participation à la finale, Gosselin et les Nordiques avaient écarté le Canadien en sept matchs au deuxième tour des séries. (Photo archives Le Soleil)

«Ça a été un moment unique. Nous ne pensions pas être les favoris pour remporter cette série. J’étais un nouveau gardien dans la LNH. Dans le vestiaire, il y avait tellement d’intensité. Je voulais gagner un match 7 en prolongation. Je peux dire que nous l’avons fait! Je suis heureux d’avoir vécu ça.»

Malheureusement pour les Nordiques, leur beau printemps s’est terminé à l’étape suivante. Confrontés aux dominants Flyers de Philadelphie (meilleure fiche en saison avec 53 victoires et 113 points) qui étaient menés par les attaquants Tim Kerr et Brian Propp ainsi que le cerbère Pelle Lindbergh, les représentants de la Vieille Capitale avaient dû baisser pavillon en six duels. 

Ce fut le plus près d’accéder à la finale que les Nordiques ont été dans leur trop courte histoire dans la LNH. 

Au cours de son passage avec les Nordiques, Mario Gosselin a disputé 191 matchs, ce qui lui vaut le 2e rang à ce chapitre chez les gardiens de la concession québécoise. (Photo archives Le Soleil)

Au cours de son passage avec les Nordiques, Mario Gosselin a disputé 191 matchs, ce qui lui vaut le 2e rang à ce chapitre chez les gardiens de la concession québécoise. (Photo archives Le Soleil)

Fin de carrière à Los Angeles puis Hartford

Après cette saison recrue prometteuse, Gosselin est demeurée à Québec pendant cinq autres années, prenant part à 192 parties. Au cours de cette période, il a notamment partagé les départs avec Clint Malarchuk, Richard Sévigny, Ron Tugnutt et Mario Brunetta. 

N’ayant pas trouvé de terrain d’entente avec le directeur général Martin Madden, Gosselin s’est amené chez les Kings de Los Angeles à l’été 1989. Dès sa première rencontre avec la troupe de la Californie, le Thetfordois a été témoin d’un moment historique alors que Wayne Gretzky est devenu le meilleur marqueur de tous les temps en obtenant le 1851e point de sa carrière. Son aventure avec les Kings s’est toutefois limitée à 26 matchs en saison et trois présences au cours des séries. L’automne suivant, le directeur général Rogatien Vachon a pris la décision de le libérer pour faire place à un autre Québécois, Daniel Berthiaume. 

Après deux années passées avec les Roadrunners de Phoenix puis les Indians de Springfield, Gosselin a eu droit à un dernier séjour dans la LNH avec les Whalers de Hartford, disputant 23 duels avec eux entre 1992 et 1994.

Précieuse aventure internationale

Avant de faire sensation avec les Nordiques à ses premiers pas dans la LNH, Gosselin avait eu la chance d’accomplir l’un de ses rêves, soit de porter l’uniforme du Canada sur la scène mondiale.

À l’âge de 20 ans, il avait reçu l’invitation des dirigeants afin de joindre le programme national en vue de la saison 1983-1984 qui culminait avec les Jeux olympiques de Sarajevo (Bosnie-Herzégovine).

Déjà sous contrat avec les Nordiques, il avait cependant eu besoin de tenir son bout afin de défendre l’honneur de l’unifolié.

«Le directeur général, Maurice Filion, m’avait mentionné que je leur appartenais et que je devais venir à Québec plutôt que d’aller avec l’équipe canadienne. J’avais une chance de faire ce que je voulais dans la vie, soit de faire le tour de l’Europe et de jouer au hockey, donc il était certain que je me présentais avec la formation nationale. Il m’avait dit qu’il ne me paierait pas mon salaire. Ça ne me dérangeait pas le moins du monde. Représenter le Canada aux Jeux, c’était mon rêve.»

Cette année-là, Gosselin s’était pointé à Calgary au début d’août pour amorcer la préparation. Si les hockeyeurs étaient basés en Alberta, ils ont voyagé énormément dans les mois qui ont suivi, ne disputant que deux maigres matchs à la maison. Les 40 autres, ils ont été présentés d’est en ouest au Canada ainsi aux États-Unis et en Europe, notamment en Allemagne, en Suède, en Finlande et en Russie.

«C’était comme un événement spécial quand nous arrivions dans une nouvelle ville. C’était vraiment une belle expérience.»

Tous les efforts de préparation sont cependant passés bien près de s’envoler en fumée pour Gosselin à un jour du début du tournoi olympique. Puisqu’il était sous contrat avec les Nordiques, il a été suspendu par le Comité olympique. Après de longues négociations entre le Canada et les dirigeants du comité, Gosselin a pu être réadmis sur l’équipe canadienne et ainsi prendre part à sept des huit matchs de la formation.

Qualifié pour la ronde finale après un tour préliminaire réussi (quatre gains et une nulle en cinq parties), le Canada a terminé au podium de la compétition après avoir été blanchi successivement face à l’Union soviétique, la Tchécoslovaquie et la Suède.

«Les Jeux olympiques et le fait de porter le chandail canadien, ça a été des moments très spéciaux pour moi. Ça a duré pendant six mois cette aventure. Ce n’était pas juste de se présenter pour le tournoi. Nous avons travaillé ensemble jusqu’en février 1984. Nous nous sommes promenés un peu partout.»

L’un des moments marquants de la carrière du gardien thetfordois s’est avéré sa participation aux Jeux olympiques de Sarajevo en 1984. (Photo Comité olympique canadien)

L’un des moments marquants de la carrière du gardien thetfordois s’est avéré sa participation aux Jeux olympiques de Sarajevo en 1984. (Photo Comité olympique canadien)

Mario Gosselin a vu sa carrière prendre son envol en Mauricie et c'est aussi dans cette région qu'il a rencontré la femme de sa vie. (Photo archives Le Nouvelliste)

Mario Gosselin a vu sa carrière prendre son envol en Mauricie et c'est aussi dans cette région qu'il a rencontré la femme de sa vie. (Photo archives Le Nouvelliste)

Shawinigan, tremplin vers l’amour et la carrière

Si cette grande aventure dans la LNH s’est avérée possible, c’est en grande partie grâce à un passage déterminant chez les Cataractes de Shawinigan. Sélection de 6e tour de la formation mauricienne en 1980 après un séjour d’un an avec les Cantonniers des Cantons-de-l’Est, le Thetfordois s’est amené avec les Cataractes à l’automne suivant. 

D’abord réserviste, Gosselin s’est imposé au cours de sa saison de 18 ans en disputant 60 matchs du calendrier régulier puis 14 autres lors des séries. Ses performances lui avaient notamment permis d’attirer l’attention des Nordiques qui, en 1982, en avaient fait le 55e choix de l’encan annuel de la LNH. 

Le gilet du gardien Mario Gosselin, joueur-clé des Cataractes en 1982-1983, a été retiré par l’organisation en 2018. On le voit ici, au centre, entouré du président Roger Lavergne et de quelques-uns de ses anciens coéquipiers. (Photo Cataractes)

Le gilet du gardien Mario Gosselin, joueur-clé des Cataractes en 1982-1983, a été retiré par l’organisation en 2018. On le voit ici, au centre, entouré du président Roger Lavergne et de quelques-uns de ses anciens coéquipiers. (Photo Cataractes)

«J’ai adoré Shawinigan. Les gens sont tellement gentils. J’y retourne encore à l’occasion. Mon épouse, mère de mes enfants, est native de là d’ailleurs. Je l’ai rencontré à la fin de mon séjour. Il ne me restait que trois mois à faire à Shawinigan. Nous sommes toujours ensemble 40 ans plus tard. Shawinigan a été une partie importante de ma vie. Professionnellement, c’est là que tout s’est joué. J’ai connu une très bonne deuxième année. Nous avions une équipe moyenne, mais j’avais eu beaucoup de succès.»

De retour l’année suivante pour un troisième tour de piste, Gosselin et les Shawiniganais avaient signé une impressionnante saison de 52 victoires et 106 points, terminant à égalité avec les Voisins de Laval, qui comptaient Mario Lemieux, au sommet du classement général. Durant cette année, le portier s’était absenté pendant quelques semaines afin de prendre part au Championnat du monde junior des moins de 20 ans. Troisième gardien derrière Mike Vernon et Mike Sands, Gosselin en était revenu avec une médaille de bronze.

«À ma troisième année, nous avons eu une très bonne campagne. Nous nous étions rendus en demi-finale contre Pat LaFontaine et les Juniors de Verdun.»

Lors de ces trois saisons passées en Mauricie, Gosselin a évolué sous les ordres de deux instructeurs, soit Ron Racette et Ron Lapointe. Personnages fascinants et à l’image de cette période où les pilotes étaient plus grands que nature, Gosselin conserve de bons souvenirs de ces deux hommes. 

Signe de son impact important, Gosselin a le privilège de voir son numéro 30 flotter dans les hauteurs du Centre Gervais Auto depuis décembre 2018. (Photo tirée de YouTube)

Signe de son impact important, Gosselin a le privilège de voir son numéro 30 flotter dans les hauteurs du Centre Gervais Auto depuis décembre 2018. (Photo tirée de YouTube)

Design graphique
NATHALIE FORTIER