NOËL BLANC, UN MYTHE D'ANTAN?

Par M. Hist - Musée d'histoire de Sherbrooke

En décembre 1970, les décorations de Noël sont bien installées sur la rue Wellington Nord… la neige se fait un peu attendre. (Photo Fonds de la Ville de Sherbrooke, Mhist)

En décembre 1970, les décorations de Noël sont bien installées sur la rue Wellington Nord… la neige se fait un peu attendre. (Photo Fonds de la Ville de Sherbrooke, Mhist)

M. Hist,

J'entends toujours que «dans l’temps», il y avait plus de neige à Noël. Est-ce que c’est un fait ou une perception que l'on se fait de notre jeunesse?

Jean

Ah, le Noël blanc: mythe ou réalité d’un autre temps? Ce refrain, on l’a tous entendu – et peut-être même chanté –, de la mi-décembre au 24 décembre, quand le gazon nous nargue avec son vert bien trop voyant (ou même pire, de son brun terne). Mais, historiquement, qu’est-ce que ça dit? Est-ce que les Noëls d’il y a 75 ou même 100 ans étaient toujours plus blancs? Nos souvenirs d’enfance sont-ils des chroniques météo fiables ou simplement des rêveries embellies par la magie des Fêtes?

Les archives de La Tribune montrent que les Noëls blancs ont bien été au rendez-vous dans plusieurs décennies passées… mais pas toujours de manière aussi parfaite que nos souvenirs voudraient le faire croire.

Le tramway-charrue à neige, qui est équipé de balais pour les voies de tramway, vers 1919. (Photo Collection Gérard Auray, Mhist)

Le tramway-charrue à neige, qui est équipé de balais pour les voies de tramway, vers 1919. (Photo Collection Gérard Auray, Mhist)

Prenez 1966, par exemple. La question de savoir si Noël serait blanc ou pas était encore sur toutes les lèvres jusqu’à la soirée même du 24 décembre. C’est finalement une bordée tardive de 25 cm qui est venue sauver l’esprit des Fêtes cette année-là. Mais tout ce suspense montre bien que l’incertitude autour de la neige à Noël ne date pas d’hier. Scénario semblable en 1913, alors que le temps des Fêtes est sauvé par une première tempête de neige le… 26 décembre!

Gladys Day Worthington, âgée d’une dizaine d’années, profite de la neige recouvrant une glissoire en bois, vers 1905. (Photo Fonds Famille Worthington, Mhist)

Gladys Day Worthington, âgée d’une dizaine d’années, profite de la neige recouvrant une glissoire en bois, vers 1905. (Photo Fonds Famille Worthington, Mhist)

Et en 1957? Là, c’était tout l’inverse! Pas de doute sur la couleur de Noël cette année-là: entre les 66 cm déjà au sol et une nouvelle chute de 35 cm la veille de Noël, Sherbrooke ressemblait à une carte postale enneigée. Un Noël «du bon vieux temps», comme on dit.

D’autres années montrent que la neige était bien là, mais parfois de manière un peu excessive. En 1962, au matin du 24 décembre, la ville était ensevelie sous 38 cm de neige fraîche, forçant l’intervention massive des équipes municipales pour déneiger rues et trottoirs. Une ambiance de Noël, certes, mais pas forcément idéale pour les derniers préparatifs!

Œuvre à l'aquarelle de Donald Côté représentant la rue Moore enneigée. Elle fait partie d'une série: «L'Estrie et ses blancs charmes» au profit du Carrefour de solidarité internationale en 1997. (Photo Fonds Clotilde Painchaud, Mhist)

Œuvre à l'aquarelle de Donald Côté représentant la rue Moore enneigée. Elle fait partie d'une série: «L'Estrie et ses blancs charmes» au profit du Carrefour de solidarité internationale en 1997. (Photo Fonds Clotilde Painchaud, Mhist)

Alors, pourquoi avons-nous l’impression qu’il y avait «toujours» plus de neige avant? Tout d’abord, notre mémoire a tendance à enjoliver les moments marquants, surtout ceux liés aux émotions fortes. Pour un enfant, un Noël blanc, c’est une aventure féerique, avec des bonshommes de neige et des descentes en luge. C’est normal que ces souvenirs prennent plus de place que les Noëls où il pleuvait.

Les enfants ont toujours trouvé le moyen de jouer dans la neige, même quand il y en avait bien peu. (Photo Fonds Paul Gagné, Mhist)

Les enfants ont toujours trouvé le moyen de jouer dans la neige, même quand il y en avait bien peu. (Photo Fonds Paul Gagné, Mhist)

Ensuite, la réalité climatique n’aide pas. Les études montrent que le Québec connaît aujourd’hui des hivers légèrement plus doux, et les périodes de redoux hivernales plus fréquentes, font fondre les accumulations avant Noël. En 2015, par exemple, il a fallu attendre le 29 décembre pour voir enfin la neige recouvrir Sherbrooke, sauvant tout juste les vacances des petits.

Alors, plus de neige avant? Oui et non. Les archives prouvent qu’il y a eu des Noëls blancs, parfois même enneigés jusqu’à l’excès. Mais elles montrent aussi que l’attente fébrile d’une bordée de dernière minute n’est pas un phénomène récent.

Ce qui change, c’est peut-être notre patience et notre capacité à laisser la magie opérer, neige ou pas. Qu’il s’agisse d’un Noël blanc ou vert, ce sont les moments passés en famille, les rires des enfants et les traditions qui rendent cette fête mémorable. Alors, neige ou pas, joyeux Noël!

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  • Conception graphique La Tribune, Cynthia Beaulne