OÙ LE CIMETIÈRE DU COIN GALT ET BELVÉDÈRE A-T-IL DÉMÉNAGÉ?

Cher M. Hist,
J’ai un mystère d’Halloween pour vous! J’ai entendu dire qu’un cimetière ancien se trouvait autrefois près de l’endroit où se dresse aujourd’hui le complexe Hooper avec la pharmacie et l’épicerie, au coin des rues Belvédère Sud et Galt Ouest. Que s’est-il passé avec les tombes?
Marc
Cher lecteur,
Vous ne rêvez pas! Ce secteur commercial repose bien sur un terrain anciennement consacré aux sépultures. Mais l’histoire de ce cimetière est aussi fascinante que méconnue…
Le cimetière en question s’appelle le cimetière Union. Situé au lot 1442, au croisement des rues Belvédère et Rand Drill Lane (l’actuelle rue de la Rand), il est acquis par la Congregational Church en 1849 pour accueillir des défunts de confessions protestantes non anglicanes: congrégationalistes, baptistes, méthodistes et presbytériens. À l’époque, le cimetière Union se trouve aux confins de la ville, dans une zone relativement isolée.
À la fin du 19e siècle, le cimetière Union était situé aux confins de la ville. (Photo City Atlas of Sherbrooke, G.M. Hopkins C.E., Philadelphia, 1881)
À la fin du 19e siècle, le cimetière Union était situé aux confins de la ville. (Photo City Atlas of Sherbrooke, G.M. Hopkins C.E., Philadelphia, 1881)
En 1885, un nouveau tracé du chemin de fer passe à proximité du cimetière, marquant un tournant dans son histoire. Le développement de la ville et les nouvelles infrastructures font de cet espace un lieu en mutation. De moins en moins fréquenté, le cimetière devient un espace abandonné, voire «en friche», où l’on se rend davantage pour des rencontres discrètes que pour rendre hommage aux défunts. Le site prend même des allures de «lover’s lane», lieu de rendez-vous amoureux ou de faits divers peu reluisants, un changement de fonction qui ne plaît pas à l’église Plymouth Trinity, gestionnaire du cimetière. Elle envisage alors sérieusement sa fermeture.
Dès 1894, les sépultures du cimetière catholique voisin sont déplacées vers le cimetière Saint-Michel, notamment en raison du fort développement urbain dans le secteur. Pour le cimetière Union, protestant, c’est vers 1907 qu’émerge l’idée de déplacer les sépultures vers un autre site, le cimetière Elmwood, qui s’étend déjà dans les quartiers Nord de la ville depuis 1890. Mais ce n’est qu’en 1913 que le projet est officiellement présenté à l’église Plymouth. Les autorités de l’époque voient en Elmwood un lieu plus adapté aux nouvelles générations de défunts, avec des installations modernisées, comme le pont érigé en 1916 pour relier ses sections nord et sud.

Le projet se concrétise finalement à l’automne 1918. Les familles des défunts enterrés à Union peuvent alors choisir une nouvelle concession au cimetière Elmwood… mais tous les défunts n’auront pas cette chance. Les transferts durent environ un an, jusqu’à la fin de 1919. Au total, 895 corps sont déplacés, mais seulement 550 sont réclamés par les familles, soit 371 adultes et 179 enfants. Les autres, restés non identifiés (188 adultes et 157 enfants), seront regroupés dans une section dédiée au sein du cimetière Elmwood.
L’église Plymouth Trinity (ici en 1996), située sur la rue Dufferin, était autrefois en charge du cimetière Union. (Photo Fonds Sherbrooke Hospital School of Nursing, Mhist)
L’église Plymouth Trinity (ici en 1996), située sur la rue Dufferin, était autrefois en charge du cimetière Union. (Photo Fonds Sherbrooke Hospital School of Nursing, Mhist)
Ce transfert coûte en moyenne 23,57$ par corps, une somme non négligeable pour l’époque. Dès 1920, une fois le cimetière Union vidé de ses occupants, l’église vend une partie du terrain à la compagnie Imperial Oil. Ce terrain, transformé au fil des décennies par l’industrialisation du quartier, finit par accueillir les commerces que l’on connaît aujourd’hui. Dites-vous que jusque dans les années 2010, on retrouve encore au fil des travaux entrepris à cet endroit des ossements, reliques du passé…
Alors, la prochaine fois que vous passerez dans ce secteur, jetez un coup d’œil autour de vous. Qui sait, peut-être sentirez-vous encore la présence discrète de ces anciens résidents, témoins silencieux de l’histoire qui s’est déroulée là où les vitrines des magasins scintillent aujourd’hui. Les morts ne parlent pas, mais leur histoire est bien vivante!
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Conception graphique La Tribune, Cynthia Beaulne