Prochain arrêt: la gare au coin Belvédère et Frontenac
Par M. Hist - Musée d'histoire de Sherbrooke

M. Hist, est-ce vrai qu’il y avait autrefois une gare au coin des rues Frontenac et Belvédère? Comment ça, le train se rendait là-bas?
Richard
Cher Richard,
Cela en surprendra plus d’un, mais vous avez bien raison! Autrefois, au coin des rues Frontenac et Belvédère, se dressait une gare emblématique qui jouait un rôle majeur dans le développement industriel et commercial de la ville. Votre question nous invite à remonter le temps et à explorer un pan passionnant de l’histoire ferroviaire de Sherbrooke… Alors, sans plus attendre, en voiture!

Sherbrooke entame sa grande aventure ferroviaire dès 1852, avec l’arrivée de la St. Lawrence & Atlantic Railway qui installe sa gare sur la rue du Dépôt. La ville devient rapidement une plaque tournante du transport ferroviaire au Québec, ce qui a pour effet qu’elle connaît un essor industriel important et rapide au cours des décennies suivantes. À la fin des années 1880, la gare du centre-ville ne suffit déjà plus à la demande: une seconde gare est donc érigée en 1890, cette fois-ci au coin des rues Frontenac et Belvédère. Installée au cœur du secteur industriel de la ville, cette construction singulière, caractérisée par une partie arrondie et un toit en pointe, devient un carrefour important pour le transport de passagers et de marchandises.
Horaire des cinq départs et arrivées pour la journée du 2 juillet 1898. (Photo Sherbrooke Daily Record, 2 juillet 1898)
Horaire des cinq départs et arrivées pour la journée du 2 juillet 1898. (Photo Sherbrooke Daily Record, 2 juillet 1898)
Cette deuxième gare, exploitée par le Canadien Pacifique (CPR), n’est pas qu’un simple lieu de passage. Elle témoigne d’une époque où le train s’impose comme vecteur d’un dynamisme sans précédent. On imagine déjà les passagers en attente, les charrettes tirées par des chevaux chargées de marchandises et les wagons stationnés à la gare.
Ce lieu, au cœur du tumulte industriel, est essentiel pour relier Sherbrooke aux réseaux transcontinentaux, facilitant l’arrivée des matières premières et l’exportation des produits finis.
Le dynamisme de l’époque ne tarde pas à rendre nécessaire l’expansion et l’adaptation des infrastructures. En effet, à mesure que l’activité s’intensifie et que la circulation des trains se multiplie, la capacité de cette gare est mise à rude épreuve et la gestion des trains vers une gare au bout d’un rail en cul-de-sac devient un enjeu. Située, à son ouverture, à proximité de la principale zone industrielle, cette gare est aussi au cœur d’un quartier multifonctionnel, le plateau Marquette. La ville s’agrandit et le développement entraine des ajustements.

Ainsi, en 1908, une nouvelle gare est conçue le long de la ligne principale, un peu plus à l’ouest du carrefour Minto (l’actuelle rue des Fusiliers) et Belvédère, pour répondre aux exigences croissantes du transport ferroviaire. Ce bâtiment, vous le connaissez si vous êtes un client du «Marché de la Gare»… Eh oui, de nos jours, la marchandise si convoitée ne s’y trouve plus dans des wagons, mais derrière des vitrines et sur des étals!
Et qu’arrive-t-il de l’édifice de la rue Belvédère? Il est progressivement relégué à d’autres fonctions avant d’être démoli en 1963. Aujourd’hui, l’édifice Yvette-Boucher-Rousseau occupe le site, et ne passe pas inaperçu avec son revêtement peu orthodoxe; depuis la fin des années 1980, il héberge notamment des bureaux du ministère des Transports ainsi que la Fabrique culturelle de Télé-Québec.
Une photo rare de la gare du Canadien Pacifique, capturée alors qu’elle tombe sous le pic des démolisseurs. (Photo La Tribune, 15 août 1963)
Une photo rare de la gare du Canadien Pacifique, capturée alors qu’elle tombe sous le pic des démolisseurs. (Photo La Tribune, 15 août 1963)
Nous voilà à la fin de notre périple avec une réponse: une gare était bel et bien en activité au coin des rues Frontenac et Belvédère il y a plus d’un siècle.
Les plus vieux lecteurs se rappelleront peut-être même les rails qui traversaient de part en part l’intersection King Ouest et Belvédère menant vers un lieu d’une autre époque. Lorsque vous vous promenez sur la rue Belvédère Nord, tendez l’oreille, on peut presque entendre l’écho lointain qui porte les moteurs des locomotives et le sifflet du chef de train arrivé au quai…
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Conception graphique La Tribune, Cynthia Beaulne