QUAND LA FIÈVRE MONDIALE DU PATIN À ROULETTES A FRAPPÉ SHERBROOKE

Monsieur Hist,
L’autre jour, dans mon garage, j’ai trouvé une vieille paire de patins à roulettes et le poster d’un grand concours de danse sur patins à roulettes organisé par une radio. Le concours faisait une tournée partout au Québec. Sauf que… Hier, je me suis obstiné avec mon beau-frère. Moi, je dis qu’avant les années 1980 y’a jamais eu de patins à roulettes à Sherbrooke. Lui dit qu’il y a 140 ans, on faisait du patin à roulettes ici même, à Sherbrooke! Qui a raison, le beauf ou moi?
Votre beau-frère n’a pas tort… Et en un sens, vous n’avez pas tort vous non plus. En effet, le dix-neuvième siècle compte aussi ses années 1980.
En 1883, la fièvre mondiale du patin à roulettes atteint Sherbrooke. Au cours du dernier tiers du 19e siècle, les patins à roulettes vont connaître un engouement mondial. Toutes les grandes capitales en ont une, voire plusieurs pistes de patinage. C’est le 8 janvier 1884 qu’on lit dans le journal à Sherbrooke qu’un certain M. McMorrine a loué la salle d'exercices militaires au coin des rues William et Montréal dans le but de la convertir en rond à patiner sur des «patins à rouleaux». Oui, «à rouleaux» : c’est ainsi qu’on les appelle à l’époque. Le 11 mars de la même année, ce sont messieurs Emerson et Hartshorn qui reprennent l’affaire et font installer un plancher de merisier, dans le but d'y ouvrir le rond à patiner dans les jours qui suivent.

En 1884, deux extraits du journal Le Progrès de l’Est, de Sherbrooke, invitent aux patins à rouleaux. (Photo Mhist)
En 1884, deux extraits du journal Le Progrès de l’Est, de Sherbrooke, invitent aux patins à rouleaux. (Photo Mhist)
L’ouverture de la piste de patinage le 16 avril 1884 se fait devant une assistance nombreuse. La fanfare Victoria assure l’accompagnement musical. Toute une cérémonie! Très vite, la fièvre s’empare des amateurs de Sherbrooke. On organise à l’occasion des démonstrations-spectacles où performent entre autres la championne de la Nouvelle-Angleterre Aliss Alabel E. Sylvester, de Boston, ou celui qu’on surnomme humblement le «champion des patineurs de l’univers» : Georges Jackson.

Le rond est couvert de patineurs et de patineuses, les journaux font de grands éloges de la grâce des dames, de ce magnifique exercice, du charme à voir une troupe de patineurs montrer son savoir-faire.
Même si certains tombent parfois sur le rond olympien. On organise aussi des jeux d’habilités, comme lors d’une séance du soir donnée au profit de la fanfare Victoria. Sachez en passant que la «course aux pommes de terre» suscite un très vif intérêt. Bien entendu, vous l’aurez compris : il s’agit d’une course durant laquelle les participants tirent derrière eux un panier aux rebords étroits rempli de patates rondes. Si un malheureux tubercule s’échappe du panier, le coureur doit s’arrêter pour le remettre en place avant de poursuivre la course.
Beaucoup de fêtes, de bals masqués, de concours sont organisés. Le 20 mars 1885, Eugène Packard, le champion de Coaticook, dispute une course de 5 miles (8 km) contre H. Fréchette, le favori de Sherbrooke. Après 24 minutes de «roulades», Fréchette l’emporte et obtient une récompense de 15$ en or.
Vous pouvez vous réconcilier avec votre beau-frère. Les patins à roulettes à Sherbrooke, ça marchait comme sur des rouleaux!
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