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MIKAËL LALANCETTE
mlalancette@lesoleil.com

Immortel depuis le retrait de son numéro 87 à travers toute la Ligue de hockey junior Maritimes Québec (LHJMQ) en 2019, Sidney Crosby a marqué les esprits de bien des gens. Ses prouesses sur la glace, bien avant d’être reproduites chez les Penguins à Pittsburgh, n’ont jamais été oubliées à Rimouski et ailleurs en province.

Le 7 janvier 2005, Crosby et ses coéquipiers de l’Océanic lançaient une séquence record de 35 matchs sans défaite, une marque (33 victoires et 2 matchs nuls) qui n’a jamais été homologuée par la Ligue canadienne de hockey puisqu’elle a été établie en partie en saison régulière (28) et l’autre en séries éliminatoires (7).

N’empêche, la bannière du «record» de 2004-05 flotte toujours dans les hauteurs du Colisée Financière Sun-Life à Rimouski. Deux décennies plus tard, voici un retour en arrière en huit dates marquantes de cette inoubliable poussée avec le numéro 87 comme fer de lance.

L’Océanic a convoqué la presse en ce deuxième jour de novembre. Insatisfait du rendement de son équipe, Maurice Tanguay vient de faire l’acquisition d’un nouveau gardien, le vétéran des Remparts, Jean-Michel Filiatrault, mais il a une plus grosse nouvelle à annoncer.

«La saison est encore très jeune, de dire le vice-président hockey de l’Océanic. On a un bon club, très offensif, et c’est le temps d’apporter les ajustements nécessaires pour rétablir la situation.»

Rimouski a une jeune sensation dans ses rangs, mais l’Océanic affiche la pire performance défensive de la LHJMQ avec 93 buts accordés en seulement 21 matchs. 

La grogne est palpable en ville puisque l’équipe dirigée par Donald Dufresne n’a qu’une seule victoire à ses sept dernières sorties, dont un cuisant revers de 10 à 2 à Lewiston. Elle rentre tout juste d'un voyage pénible dans les Maritimes durant lequel elle a subi trois défaites et accordé 20 buts.

L’annonce du jour, le retour de Doris Labonté derrière le banc, l’entraîneur de la conquête de la Coupe Memorial de 2000, vise à relancer l’Océanic vers les plus hauts sommets de la LHJMQ.

Doris Labonté a dirigé l'Océanic pendant 406 parties dans sa carrière. (Photo archives Le Soleil, Steve Deschênes)

Doris Labonté a dirigé l'Océanic pendant 406 parties dans sa carrière. (Photo archives Le Soleil, Steve Deschênes)

Le retour de Labonté derrière le banc signifie aussi que Dufresne, un ancien défenseur des Canadiens dans les années 1980 et 1990, doive se contenter d’un rôle d’adjoint aux côtés de Guy Boucher. Un geste d’abnégation que plusieurs acteurs de l’époque saluent, plus de vingt ans plus tard. 

«On patinait sur la plage quand il a eu l’humilité de dire qu’il ne pouvait pas amener l’équipe plus loin», image le descripteur des matchs de l’Océanic à la radio, Michel Germain.

Cédrick Desjardins a remporté 30 de ses 44 parties en 2004-05. (Vidéo Le Soleil, Mikaël Lalancette)

Cédrick Desjardins a remporté 30 de ses 44 parties en 2004-05. (Vidéo Le Soleil, Mikaël Lalancette)

Sidney Crosby a beau trôner au sommet des meilleurs pointeurs avec 38 points en 17 parties, mais le futur premier choix au total du repêchage dans la LNH est mécontent de sa contribution. 

En deuil de son grand-père, il a tenu à jouer les matchs du week-end, question d’aider son équipe à se sortir de sa léthargie. «Ça ne marchait pas comme il voulait», se souvient l’homme qui l’hébergeait dans le Bas-Saint-Laurent, Christian Bouchard. 

Christian Bouchard et Sidney Crosby en 2005. (Photo Christian Bouchard)

Christian Bouchard et Sidney Crosby en 2005. (Photo Christian Bouchard)

Pour se relancer, Crosby part à la patinoire du coin avec une chaudière remplie de rondelles pour pratiquer ses lancers, qu’il décoche sur un morceau de Plexiglas recouvert d’huile WD-40 car il n’y a pas encore de glace sur la surface asphaltée.

Sur une feuille accrochée au plafond de sa chambre à coucher, le natif de Cole Harbour en Nouvelle-Écosse inscrit un mot de cinq lettres qu’il affectionne particulièrement, «SCORE», dans l’espoir de marquer davantage.

C’est sans parler de ses innombrables superstitions qui consistent à emprunter le même chemin pour se rendre au Colisée, d’enfiler le même patin en premier ou de manger aux mêmes endroits, dont son restaurant préféré, le Pacini. 

Sidney Crosby, lors d’un passage à Gatineau en 2005, avec sa casquette porte-bonheur des Nordiques de Québec. (Photo Le Droit, Patrick Woodbury)

Sidney Crosby, lors d’un passage à Gatineau en 2005, avec sa casquette porte-bonheur des Nordiques de Québec. (Photo Le Droit, Patrick Woodbury)

Lorsqu’il quitte son domicile de sa famille d’accueil, Christian Bouchard, lui remet toujours un bagel, au risque d’être foudroyé du regard s’il a le malheur de ne pas déposer la collation sur un coin bien précis du sofa. 

Il est strictement interdit à ses coéquipiers d’approcher ses bâtons. L’un d’eux, Marc-Antoine Pouliot, se souvient de quelques «confrontations» mémorables avec le joueur le plus superstitieux de l’équipe.

«C’est arrivé une fois que je touche à son bâton par erreur et ça ne lui avait vraiment pas plu! Avant les matchs, il fallait le laisser tranquille dans son coin.»

— Marc-Antoine Pouliot

Le gérant de l’équipement de l’Océanic, Francis St-Pierre, a le malheur d'entrer dans la «bulle» du 87 en suspectant un oubli. «Ça n’a pas été long qu’il est venu me voir en me disant : “Hé Frank, don’t touch my baby!“»

Un jour, le vétéran de 19 ans, Mark Tobin, a la très mauvaise idée de cacher la paire de patins de Crosby avant un entraînement. «Il l’a fait venir à la maison et il l’a tellement engueulé, que c’en était gênant, se souvient Christian Bouchard. Mark avait beau lui dire que c’était une blague, Sidney ne voulait rien entendre. Je ne répèterai pas ce qu’il avait dit, mais les gars ne l’ont jamais refait!»

La première saison de Crosby à Rimouski a été couronnée de succès avec 135 points à 16 ans seulement, mais la seconde prend une toute autre ampleur en raison du lock-out qui sévit dans la LNH. 

On s’arrache le meilleur espoir de la planète, au point ou la sonnerie de la maison où il demeure à Rimouski résonne à tout bout de champ. «Un cirque, un carnaval», de résumer Christian Bouchard, souvent sollicité pour des entrevues. 

Malgré toute cette attention, il prend des plus jeunes sous son aile en disant qu’un jour ou l’autre, l’équipe aura besoin de ces joueurs de l’ombre.

Le jeune homme de 17 ans est une véritable attraction et les équipes adverses se creusent les méninges pour ajouter des places assises dans leur aréna lorsque Crosby est de passage. De la vraie «folie», se souvient l’ex-directeur des opérations hockey de la LHJMQ, Raymond Bolduc.

Responsable de la confection du calendrier à l'époque, l’ancien directeur général des Remparts dit en avoir vu de toutes les couleurs cette année-là. «Les clubs qui le recevaient juste une fois dans l’année capotaient s’il était pour ne pas jouer chez eux, se souvient Bolduc. Certains passaient directement par Monsieur [Gilles] Courteau pour tenter d’interférer.»

Comme le futur capitaine des Penguins ne dit jamais non aux nombreux partisans venus chercher son autographe sur la route, il peut passer de longues minutes à rencontrer les amateurs, pendant que ses coéquipiers retraitent vers l’autobus. 

«Sans jamais faire attendre ses coéquipiers, précise le directeur des relations avec les médias du temps, Yannick Dumais. Il voulait être un joueur comme les autres, il refusait les privilèges et devenir une distraction. Tout était donc rodé au quart de tour.»

Les pressions de tout un chacun forcent la LHJMQ à prévoir sept matchs de suite à Rimouski de la mi-décembre au début janvier, en raison du Championnat mondial de hockey junior au Dakota du Nord, où Crosby et le Canada décrocheront l’or avec Patrice Bergeron, Ryan Getzlaf et Jeff Carter comme vétérans.

L’un de ces matchs joué en l’absence de Crosby, contre les Voltigeurs de Drummondville le 19 décembre 2004, est frais dans la mémoire de Yannick Dumais. Analyste à la radio, Dumais revoit encore le capitaine de l’équipe, Marc-Antoine Pouliot, prendre la parole après la dure défaite de 4 à 1, terminée sous les huées des 4487 spectateurs présents en raison du manque d’effort collectif.

Le natif de Québec s’excuse d’avoir bêtement répliqué à un adversaire en plus d’avoir critiqué l’officiel, François Fortin, qui lui a décerné une mineure additionnelle. Sa pénalité a mené à un but de Guillaume Latendresse, repêché tout juste derrière Crosby au repêchage de 2003 dans la LHJMQ.

«Ça avait été un moment important, se souvient Pouliot. Disons que ce n’est pas quelque chose que tu aimes faire.»

Sidney Crosby au camp estival de Hockey Canada en août 2004 (Photo PC, Jeff Vinnick)

Sidney Crosby au camp estival de Hockey Canada en août 2004 (Photo PC, Jeff Vinnick)

(Photo Archives La Presse Canadienne)

(Photo Archives La Presse Canadienne)

Même si l’Océanic caresse de grands objectifs, Rimouski ne procède qu’à une seule transaction lors de la période des Fêtes.

Un seul ajout qui va changer bien des choses à Rimouski, celui du défenseur à caractère offensif des Tigres de Victoriaville, Mario Scalzo jr. Sa venue chez l’Océanic sonne le glas du défenseur, Maxime Desruisseaux, qui prend le chemin de sa région natale des Bois-Francs avec Alexandre Vachon.

Le futur pilote des Foreurs de Val-d’Or encaisse une «petite claque dans la face» après avoir connu un lent début de saison à son arrivée de Moncton.

Maxime Desruisseaux sur sa transaction à Victoriaville. (Vidéo Le Soleil, Mikaël Lalancette)

Maxime Desruisseaux sur sa transaction à Victoriaville. (Vidéo Le Soleil, Mikaël Lalancette)

L’ajout de Scalzo transformera le jeu de puissance de l’Océanic. Ce dernier s'entend tout de suite comme «larrons en foire» avec un autre défenseur offensif, un natif de la région, Patrick Coulombe, l’idée de Donald Dufresne. 

Le quintet formé par Scalzo et Coulombe, à la ligne bleue et les attaquants, Sidney Crosby, Marc-Antoine Pouliot et Dany Roussin, est étourdissant par la suite. 

Le plus bel avantage numérique qu’a vu Michel Germain comme descripteur des parties de l’Océanic! «Les joueurs étaient à leur position alors qu’en 2000, Brad Richards était à la pointe. C’était incroyable!»

L’efficacité du jeu de puissance de l’Océanic passe de 21,9%, le 7 janvier 2005, à 33,3%, pour les 35 derniers matchs de la saison.

Marc-Antoine Pouliot sur l'arrivée de Mario Scalzo jr (Vidéo Le Soleil, Mikaël Lalancette)

Marc-Antoine Pouliot sur l'arrivée de Mario Scalzo jr (Vidéo Le Soleil, Mikaël Lalancette)

La visite du Drakkar de Baie-Comeau à Rimouski, le 7 janvier 2005, marque le premier match de Scalzo avec sa nouvelle formation. Mais la présence du numéro 20 est éclipsée par le retour de Crosby.

Dans un vol d’avion entre Grand Forks et Mont-Joli, lors d’un arrêt à Montréal, le 87 vient de se faire voler son uniforme rouge de champion du Mondial par un bagagiste d’Air Canada, une anicroche qui le peine, sans le décontenancer outre-mesure.

Ce qui le dérange bien davantage, c’est que l’Océanic veut le forcer à prendre une pause pour guérir une petite blessure et faire le plein d’énergie. Le surlendemain, le talentueux attaquant récolte cinq points dans un gain de 8 à 5 contre Chicoutimi, avant de partir se reposer à Halifax, chez ses parents, Trina et Troy Crosby.

La pause le force à rater le premier match du voyage de l’Océanic dans les Maritimes, à Charlottetown, où le Rocket dirigé par l’entraîneur-chef, Alain Vigneault, arrache un match nul.

Près de 24 heures plus tard, Sidney Crosby explose avec deux buts et quatre aides dans un gain de 8 à 4 devant une salle comble de 10 595 spectateurs dans sa ville natale de Halifax. «Il avait le feu dans les yeux, se souvient Donald Dufresne. Après le match, il m'a dit de lui faire savoir si je sentais à nouveau qu'il avait besoin de repos!»

L’Océanic et l’agent de Crosby, Pat Brisson, annoncent ensuite que le surdoué n’ira pas au Match des meilleurs espoirs à Vancouver, une décision qui fait rager le propriétaire des Giants, Ron Toigo.

«Wayne Gretzky, lui, aurait été sur une jambe si c’était dans l’intérêt du sport.»

— Ron Toigo, propriétaire des Giants

Au 23e match de la séquence de 35 parties sans défaite, l’Océanic se mesure au Drakkar, à Baie-Comeau, quand tout semble sur le point de s’écrouler pour Rimouski. Cédrick Desjardins s’amène en relève après cinq buts accordés sur neuf lancers.

En retard 5 à 1 à la mi-match, l’Océanic se remet en marche grâce à ses piliers, dont le célèbre numéro 87, qui parvient maintenant à accorder des entrevues en français. 

Mathieu Gravel, alors un attaquant du Drakkar, s'en souvient comme si c'était hier.

Rimouski remonte la pente grâce à quatre buts inscrits alors que Crosby est sur la glace. En prolongation, Desjardins réalise deux arrêts déterminants qui préservent la séquence de l’Océanic.

Cédrick Desjardins sur l'adversité de la séquence de 35 parties. (Vidéo Le Soleil, Mikaël Lalancette)

Cédrick Desjardins sur l'adversité de la séquence de 35 parties. (Vidéo Le Soleil, Mikaël Lalancette)

L’Océanic passe à l’histoire lors de la 70e et dernière partie de la saison régulière, un 12e match à guichets fermés à Rimouski. 

La victoire de 6 à 4 contre le Titan d’Acadie-Bathurst prolonge à 28 la série de matchs sans défaite du club, ce qui surpasse le record de la LHJMQ (27).

La poussée rimouskoise permet de remporter le championnat de la saison régulière, deux points devant les Mooseheads de Halifax, alors que le club de Doris Labonté accusait un retard de 16 points sur le premier rang le 7 janvier.

Même si les membres de l’équipe affirment tous que la séquence d’il y a 20 ans n’a jamais été une «grosse histoire» à l’interne, le jour du 27 avril 2005 demeure un moment marquant de cette campagne historique.

Les Rimouskois ont rendez-vous avec les Saguenéens de Chicoutimi dans le carré d’as, une série qui oppose deux entraîneurs au style coloré, Doris Labonté chez l’Océanic à Richard Martel des Sags. 

Avant le début de la série, ce dernier a osé dire qu’il ne savait pas qui était Crosby. «Je ne sais même pas quel numéro il a!» blaguait-il sur les ondes de TVA Saguenay.

«J’ai dit ça? s’étonne encore le député fédéral de Chicoutimi—Le Fjord encore, 20 ans plus tard. J’en disais des affaires, ça n’a pas de bon sens!»

L’audace du Roi Richard s’est retournée contre lui puisque Rimouski n'a fait qu’une bouchée des Bleuets, par 18 à 2 au chapitre des buts marqués lors des deux premiers duels de la série.

Lors de la quatrième confrontation, David Desharnais, Maxime Boisclair et les autres évitent le balayage en mettant un terme à la séquence de l’Océanic au Centre Georges-Vézina.

Marc-Antoine Pouliot sur la fin de la séquence (Vidéo Le Soleil, Mikaël Lalancette)

Marc-Antoine Pouliot sur la fin de la séquence (Vidéo Le Soleil, Mikaël Lalancette)

Le match à sens unique de 5 à 0 requinque le moral des Bleus du Saguenay. Le défenseur Nicolas Marcotte, la «bête noire» de Crosby dans le junior, s’en fait encore une fierté lorsqu’il montre l’article de journal en question à sa fille.

«Je lui dis que son papa a déjà donné de la misère à Crosby! raconte le pompier pour le compte du ministère de la Défense nationale. C’est une belle pièce de mes archives, ça fait un petit velours.»

Yanick Jean était l'adjoint de Richard Martel en 2004-05. (Vidéo Le Soleil, Mikaël Lalancette)

Yanick Jean était l'adjoint de Richard Martel en 2004-05. (Vidéo Le Soleil, Mikaël Lalancette)

Trois coupes Stanley et trois médailles d’or olympiques plus tard, le 10e meilleur pointeur de tous les temps dans la LNH se souvient encore de la seule défaite des séries 2005. 

Extrait sonore sur la fin de la séquence. (Infographie Le Soleil)

Extrait sonore sur la fin de la séquence. (Infographie Le Soleil)

Richard Martel joue son va-tout après la quatrième rencontre. Il envoie une séquence vidéo au préfet de discipline de la LHJMQ, Maurice Filion, pour tenter de faire suspendre Crosby pour un coup de bâton asséné impuni sur Julien Brouillette.

Piqué au vif, Doris Labonté riposte en envoyant à son tour plusieurs séquences vidéos pour des gestes des Saguenéens, un épisode surnommé la «guerre des cassettes» dans les médias. 

Membre du comité de discipline de la LHJMQ à l’époque, Raymond Bolduc, sourit quand on lui parle de cette période, lui qui, sous la directive du commissaire Gilles Courteau, devait assister à pratiquement tous les matchs du numéro 87 comme superviseur. 

Bolduc estime avoir vu plus de 70 matchs de Crosby cette saison-là. «Les seules places où je n’allais pas, c’était à Gatineau et en Abitibi, décrit-il. Ce n’était pas évident parce que bien souvent, j’étais parmi les spectateurs. Quand les gens ne criaient pas après les arbitres, ils se tournaient vers moi.»

À Rimouski, on estime que Sid the Kid n’est pas assez protégé, alors qu’à l’étranger, on accuse les officiels de lui réserver un traitement de faveur. «Il ne se laissait pas manger la laine sur le dos et il parlait aux arbitres, se souvient Bolduc. Il y avait une pression énorme sur les officiels.»

Deux jours plus tard, l’Océanic élimine Chicoutimi en l’emportant 5 à 1, un match dans lequel Sidney Crosby inscrit quatre des cinq buts des siens. 

Dès la fin du match, Labonté refuse de serrer la main de Martel, levant plutôt une cassette VHS dans les airs, la fin de la guerre de la cassette. Bon joueur, le député fédéral aux Communes a fait un clin d’œil à cet épisode dans le cadre de la soirée hommage à Doris Labonté en 2022.

Richard Martel à Labonté (Vidéo fournie)

Richard Martel à Labonté (Vidéo fournie)

Le magicien de Cole Arbour termine la série de cinq rencontres avec 14 points, une performance devant laquelle Martel n’a d’autres choix que de s’incliner, deux décennies après les faits.

«On n’était pas capable de l’arrêter lors des batailles à un contre un sur le bord des bandes, se souvient le pur sang du Saguenay. Il était tellement fort des jambes qu’une fois sur deux, on écopait de pénalités pour le freiner. C’était impossible de le contenir!»

Sidney qui?

Cette saison magique, marquée par la conquête de la coupe du Président, se termine par une défaite de 4 à 0 en finale du tournoi de la Coupe Memorial à London. Les puissants Knights, qui ont aligné 31 matchs consécutifs sans défaite plus tôt dans la saison, remportent le dernier match 4 à 0.

«Je me demande ce que ça aurait donné si la Coupe avait été jouée à Rimouski…» s'interroge Marc-Antoine Pouliot, maintenant le père de trois jeunes enfants nés en Suisse, le pays où il a rencontré sa femme.

Les doléances de Doris Labonté, exaspéré de devoir jouer quatre matchs en cinq jours contre des Knights bien reposés, pousseront la Ligue canadienne à séparer la demi-finale de la finale par une journée de congé par la suite.

Même si la carrière junior de Sidney Crosby prend fin sur une mauvaise note, il n’est pas aussi décontenancé que l’année précédente, lors de l’élimination de l’Océanic en demi-finale contre Moncton.

Inconsolable, la recrue de 16 ans était écrasée par terre, pleurant à chaudes larmes. À son retour à la maison, Crosby avait une demande plutôt surprenante pour son logeur. «Il m’avait dit : “Ouvre-moi une bouteille de fort!’’, alors qu’il prenait jamais d’alcool, se souvient Christian Bouchard. Il a fixé la bouteille pendant dix minutes à la table et finalement, il n’a pas pris une seule goutte!»

C’est finalement son bon ami, Eric Neilson, qui s’était chargé de la bouteille.

Cette campagne 2004-05, même les plus grands honneurs associés à sa grande carrière dans la Ligue nationale n’ont pas altéré son importance aux yeux du numéro 87. 

Extrait sonore sur la saison 2004-05 (Infographie Le Soleil)

Extrait sonore sur la saison 2004-05 (Infographie Le Soleil)

Monsieur Hockey Junior en personne, Marc Lachapelle, a couvert les plus grands de la LHJMQ pour le compte du Journal de Montréal, d’André Savard à Vincent Lecavalier en passant par Mike Bossy, Mario Lemieux et Brad Richards, notamment. 

Lachapelle s'emballe en parlant du règne Crosby, même si les dizaines de milliers de kilomètres ajoutés au compteur de sa voiture ont fini par coûter cher à son employeur du temps. 

«Ç’a été deux des plus belles années de couverture de ma carrière, tranche cette encyclopédie de hockey junior. Il n’en passe pas souvent des comme lui!»

Confirmé, il n'y en a pas eu depuis 20 ans.

Photos et vidéos
Archives Le Soleil, Mikaël Lalancette,
La Presse Canadienne et LHJMQ

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