Quand le roi George VI a visité la Reine des Cantons-de-l'Est

Bonjour M. Hist,
Une histoire persistante circulait dans le voisinage voulant que la reine Elizabeth eût pris le thé dans la belle demeure de M. Armitage. Or, dans une entrevue radiophonique, il y a quelques années, un de vos collègues mentionnait que le roi George et la reine Elizabeth avaient débarqué du train à Sherbrooke en juin 1939, avaient fait un tour de ville de deux heures et ils étaient repartis. Donc, selon moi, pas de thé ni de scones chez les Armitage rue Argyll.
Sebastian M.
Cher Sebastian,
Votre question est bien intrigante. Analysons les faits.
Début de juin 1939, toute la ville de Sherbrooke est en effervescence. La «Reine des Cantons-de-l’Est» s’apprête à accueillir des invités de marque: le roi George VI et son épouse Elizabeth, les grands-parents de l’actuel roi Charles III. Après avoir passé quatre jours aux États-Unis, le couple royal fait une petite tournée au Canada, et Sherbrooke est sur la liste des villes visitées. C'est d’ailleurs la toute première fois qu’un monarque régnant met officiellement les pieds au Canada!

Pour marquer l’occasion, le centre-ville se pare de ses plus beaux atours. Drapeaux français et Union Jack flottent au vent, donnant à Sherbrooke des airs de fête. Comme partout ailleurs dans le pays, les festivités battent leur plein. Le maire, Marcus T. Armitage, et son épouse Margaret sont bien sûr aux premières loges pour accueillir le roi et la reine. On raconte que Mme Armitage a offert un magnifique bouquet de fleurs à la reine.
Le train royal arrive à la gare du Canadien Pacifique, rue Minto, à 12h50 précises. Dès que le couple met pied sur le quai, l’enthousiasme de la foule est palpable. Près de 25 000 personnes se sont rassemblées autour de la gare pour saluer les souverains, dont 800 délégués venus des municipalités environnantes, tandis que 2000 militaires et policiers veillent à ce que tout se passe bien.
À l’occasion d’un bain de foule, les époux saluent des vétérans de la Légion canadienne. (Photo Fonds Société d’histoire de Sherbrooke, Mhist)
À l’occasion d’un bain de foule, les époux saluent des vétérans de la Légion canadienne. (Photo Fonds Société d’histoire de Sherbrooke, Mhist)
Après quelques poignées de main à la gare, le roi et la reine montent à bord d’une décapotable pour un défilé dans les rues du centre-ville. Ils sont accompagnés d’une escouade de cyclistes et d’une caravane de quatre voitures. Sherbrooke n’a jamais vu une telle marée humaine! Des citoyens de tous les quartiers de la ville, mais aussi des Cantons-de-l’Est, de l’Ontario et même de la Nouvelle-Angleterre, sont venus assister à cet événement historique. Selon La Tribune, la foule atteint les 100 000 personnes, triplant presque la population habituelle de Sherbrooke! Certains ont réservé leur place bien à l'avance, en installant chaises ou matelas sur le trottoir. D’autres, plus audacieux, grimpent sur les lampadaires, les enseignes des magasins et sur les toitures pour apercevoir le cortège.

(Photo La Tribune, MHist)
(Photo La Tribune, MHist)
Le premier ministre du Canada, William Lyon Mackenzie King, ainsi que le maire de Sherbrooke, Marcus T. Armitage, et sa fille, sont également du cortège accompagnant le roi. Pendant environ une heure, le couple royal parcourt cinq kilomètres dans les rues de Sherbrooke, sans descendre, avant de retourner à la gare. Après une dernière salve de 21 coups de canon, le roi et la reine montent à nouveau à bord du train, direction Lévis.
Cher lecteur, vous aviez peut-être surestimé la durée de cette visite, qui n’aura finalement duré qu’une petite heure... Mais quelle heure mémorable! Et, soyons honnêtes, avec un emploi du temps aussi chargé, il est peu probable que Sa Majesté ait eu le temps de savourer un thé accompagné de quelques scones!
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Conception graphique La Tribune, Cynthia Beaulne