Sherbrooke a sa propre histoire du téléphone

Par M. Hist - Musée d'histoire de Sherbrooke

On peut discerner à gauche la compagnie de téléphone de M. Skinner, sur la rue Frontenac vers 1902, à l’endroit même de la murale actuelle. (Photo Fonds Doug Gerrish, Mhist)

On peut discerner à gauche la compagnie de téléphone de M. Skinner, sur la rue Frontenac vers 1902, à l’endroit même de la murale actuelle. (Photo Fonds Doug Gerrish, Mhist)

M. Hist,

En regardant une murale au centre-ville, j’ai aperçu le nom d’une compagnie de téléphone qui est vraisemblablement disparue aujourd’hui. Est-ce que Sherbrooke avait sa propre compagnie de téléphone?

Roger

Cher Roger,

J’imagine que vous faites référence à la murale du Bicentenaire sur laquelle les artistes de MURIRS ont immortalisé la compagnie People’s Telephone. Vous êtes songeur? Votre question est importante pour nous: demeurez en ligne et nous vous répondrons dans les plus brefs délais!

Saviez-vous que le téléphone avait une histoire bien à lui à Sherbrooke? Tout commence dans les années 1870, alors que le bijoutier et horloger Carlos Skinner arrive à Sherbrooke. Passionné par les innovations technologiques, Skinner suit avec enthousiasme les travaux d’Alexander Graham Bell, l’inventeur canadien à qui nous devons le téléphone. Dans sa bijouterie, déjà équipée d’une ligne de télégraphe, il explore les possibilités de cette nouvelle invention.

Deux téléphonistes chargés de répartir les appels gérés par la compagnie Bell à Sherbrooke, en 1895. À l’époque, cette profession était encore largement masculine, mais pas pour longtemps... (Photo Fonds Radio-Québec, Mhist)

Deux téléphonistes chargés de répartir les appels gérés par la compagnie Bell à Sherbrooke, en 1895. À l’époque, cette profession était encore largement masculine, mais pas pour longtemps... (Photo Fonds Radio-Québec, Mhist)

En mai 1879, Sherbrooke accueille son tout premier téléphone. Installé chez le marchand C. H. Fletcher, il permet de relier sa résidence à sa boulangerie et à sa brasserie. Deux ans plus tard, en 1881, Skinner contribue directement à l’évolution de cette technologie en déposant un brevet pour améliorer le fonctionnement du téléphone!

Le brevet de perfectionnement aux téléphones «Skinner’s Improved Telephone», un brevet délivré en 1881 à Carlos Skinner, Robert Booth et Thomas J. Tuck. (Photo Base de données des brevets canadiens, n°12343)

Le brevet de perfectionnement aux téléphones «Skinner’s Improved Telephone», un brevet délivré en 1881 à Carlos Skinner, Robert Booth et Thomas J. Tuck. (Photo Base de données des brevets canadiens, n°12343)

Le réseau téléphonique de Sherbrooke se développe rapidement. En septembre 1884, la ville est connectée à Coaticook, Compton, Capelton et Waterville. Vers la fin des années 1880, on compte déjà près de 70 appareils en fonction à Sherbrooke. En 1886, la célèbre Bell Telephone Company, ayant acquis le monopole de la téléphonie en ville, s’installe au 100 rue Wellington (l’actuel 124 Wellington Nord).

Cependant, tout ne se passe pas sans remous.

En 1888, mécontent des tarifs pratiqués par Bell, Carlos Skinner fonde sa propre entreprise: la Sherbrooke Telephone Association... Installée au 107 rue Wellington (aujourd’hui le 110 Wellington Nord), à quelques pas de la compagnie Bell!

Cette concurrence temporaire profite aux consommateurs en maintenant des tarifs abordables. Renommée «People’s Telephone» en 1896, elle poursuit son chemin face à la concurrence de Bell.

M. A. W. Saunders à son atelier en 1904. On aperçoit un téléphone au mur… Est-il opéré par la compagnie de Skinner ou par Bell? (Photo Fonds Ingersoll-Rand, Mhist)

M. A. W. Saunders à son atelier en 1904. On aperçoit un téléphone au mur… Est-il opéré par la compagnie de Skinner ou par Bell? (Photo Fonds Ingersoll-Rand, Mhist)

L’histoire prend un nouveau tournant en 1912, à la mort de Skinner. Cette année-là, la People’s Telephone fusionne avec Bell pour devenir la Eastern Townships Telephone Company (ETTC). Cette nouvelle entité regroupe les intérêts de Bell et du People’s Telephone, bien que Bell n’en soit pas officiellement le propriétaire direct. Toutefois, son rôle d’actionnaire principal lui confère une influence majeure.

Après plusieurs décennies, le 31 décembre 1953 marque la fin de l’indépendance de la ETTC, qui passe définitivement sous le contrôle de Bell.

Ainsi, ce nom aperçu sur la murale est un témoignage du riche passé téléphonique de Sherbrooke et des efforts d’entrepreneurs visionnaires comme Carlos Skinner.

La murale du Bicentenaire, réalisée en 2002 à l’angle des rues Frontenac et Dufferin, laisse voir à la fois la bijouterie Skinner et sa compagnie de téléphone, la People’s Telephone Co. (Photo Collection du Musée d’histoire de Sherbrooke)

La murale du Bicentenaire, réalisée en 2002 à l’angle des rues Frontenac et Dufferin, laisse voir à la fois la bijouterie Skinner et sa compagnie de téléphone, la People’s Telephone Co. (Photo Collection du Musée d’histoire de Sherbrooke)

Si Sherbrooke a suivi les tendances nationales en matière de télécommunications, elle s’est distinguée par l’audace et l’innovation de certains de ses citoyens. Les traces de cette époque illuminent encore notre paysage urbain, preuve que même les petits signaux (comme sur la murale) peuvent transmettre les grandes histoires de Sherbrooke. Restez curieux, l’Histoire est un appel qu’il ne faut jamais manquer!

À LIRE AUSSI

  • D'où vient le nom de la rue du Conseil?
  • L'étang du Domaine-Howard, un lieu naturel ou artificiel?
  • Pourquoi une croix au mont Bellevue?
  • Noël blanc, un mythe d'antan?
  • Conception graphique La Tribune, Cynthia Beaulne