Le quotidien est rempli de tracasseries. De nombreux travailleurs de l’ombre n’attendent qu’un appel pour voler à la rescousse, des as de leur domaine qui viennent souvent sauver la mise. Incursion dans la routine de ces superhéros de la petite vie.

Pierre Fried a aidé, sauvé, attrapé, soigné des dizaines, voire des centaines d’animaux en un peu plus d’un an comme agent animalier à la Société protectrice des animaux (SPA) de Québec.

Beaucoup de chats et de chiens. Mais aussi des lapins, des oiseaux, des cochons d’Inde. Une tortue et des poissons trouvés par un huissier chez un locataire qui avait déguerpi.

Des canards de ferme. Trois poules perdues capturées en pleine rue que le propriétaire est venu récupérer le lendemain. Un bébé campagnol.

Des collègues ont retrouvé à Québec un cochon miniature dont les propriétaires habitaient Montréal.

«J’ai déjà ramassé une maman moufette et un bébé moufette écrasés. Disons que l’odeur reste», poursuit Pierre, comme quoi il doit aussi gérer des cadavres d’animaux.

Organisme sans but lucratif qui célèbre cette année 150 ans d’existence, la SPA de Québec loge dans un immeuble exigu du parc industriel du quartier Duberger.

Une véritable ruche dont les services couvrent tout le territoire de la ville de Québec, les trois quarts de l’île d’Orléans, Beaupré, Lac-Beauport, Lac-Saint-Charles et Portneuf.

En 2024, 7800 animaux y sont passés après avoir été donnés, oubliés, abandonnés ou perdus, tandis que 3490 en sont repartis pour être adoptés.

Le matin même, un chien récupéré en bordure d’autoroute.

Juillet constitue le mois le plus achalandé avec les déménagements et les vacances de la construction. Le refuge peut alors accueillir en même temps de 200 à 300 chats et une quarantaine de chiens.

Certaines bêtes y passent plusieurs jours, d’autres quelques heures.

Accompagné du Soleil, Pierre Fried est allé chercher un chien à Lac-Saint-Charles. Âgé de plus de 17 ans et malade, le vieux Goby a été conduit à son dernier repos à la demande de sa propriétaire.

Boitillant, le gentil toutou n’a ni jappé ni grogné en se rendant tranquillement au camion. Mais il a résisté de son mieux quand Pierre l’a mis dans une cage de transport.

Il a été euthanasié quelques heures plus tard. Comme c’est le cas chaque jour de la semaine à 14 h pour plusieurs bêtes confiées à la SPA,

«Dire que la première journée où je l’ai eu, il avait un an, il s’est fait frapper par une voiture!» se rappelle avec émotion la dame, 16 ans plus tard.

Elle a pris soin de rappeler à la SPA en fin de journée pour s’assurer que tout s’était bien passé pour son fidèle compagnon.

«J’ai des collègues qui se sont fait crier “voleur d’animaux!”» regrette Pierre, qui est à l’emploi de l’organisme depuis 14 mois.

«C’est des fois assez choquant de voir le manque de confiance que le public peut avoir, alors qu’on est très ouverts et juste là pour aider», fait-il valoir, y voyant surtout un manque d’information.

Français arrivé au Québec en 2018, il avait avant la SPA fait de la relocalisation pour un exterminateur à Montréal, été technicien pour les enclos de maternité de caribous dans le parc de la Gaspésie et travaillé à l’Aquarium du Québec.

«Notre but est souvent de donner une deuxième ou une troisième chance à un animal», résume Pierre Fried, admettant parfois intervenir dans des logements insalubres où il se dit que «l’animal sera mieux ailleurs».

«Cherchez-vous une moufette? Elle est là-bas, en dessous du cabanon!» lui lance une vieille dame croisée en arrivant dans le stationnement de l’immeuble où il doit récupérer un arbre à chat de six pieds et des accessoires d’un félin récemment donné à la SPA.

«Elle est vivante ou morte, votre moufette?» rétorque l’agent animalier, sachant que son rayon d’action auprès des animaux sauvages se limite à ceux qui sont décédés.

Au besoin, il transporte des sacs mortuaires dans sa camionnette et une pelle. Qui peut aussi servir pour déneiger.

Des laisses en tous genres, une perche pour tenir un chien agressif à distance, un brancard pour un animal trop faible, des filets de formats différents.

Mais l’arme principale demeure un peu de nourriture pour amadouer en douceur la bête recherchée. «D’habitude, ça marche», résume celui qui se base beaucoup plus sur des techniques apprises que sur la force pour contraindre les animaux.

Il met en garde contre les chats perdus, devenus errants. Saviez-vous qu’il est interdit de laisser votre chat en liberté hors de votre terrain?

Pierre porte sur ses bras les cicatrices pour preuve que ce ne sont pas toujours les plus gros qui sont les plus récalcitrants.

«Si vous n’avez vraiment pas le choix d’abandonner votre animal, venez le laisser au refuge directement. Certes, il y a des frais, mais l’animal sera en sécurité plus rapidement», conclut cet amoureux des animaux, lui-même propriétaire d’un petit chat à la maison.

Dans la série «Sur appel»

SERRURIER

EXTERMINATEUR

TECHNICIEN APRÈS SINISTRE

DESIGNER GRAPHIQUE
Nathalie Fortier, Le Soleil

DESIGNER GRAPHIQUE
Nathalie Fortier, Le Soleil