


Le quotidien est rempli de tracasseries. De nombreux travailleurs de l’ombre n’attendent qu’un appel pour voler à la rescousse, des as de leur domaine qui viennent souvent sauver la mise. Incursion dans la routine de ces superhéros de la petite vie.


Calme, méthodique, appliqué, le gars installe, entretient et répare des ascenseurs depuis déjà 10 ans.
Pas nerveux quand il monte dedans, «parce que je sais qu’il y a un entretien chaque mois. Si l’ascenseur s’arrête, il a fait son travail. C’est l’un des modes de transport les plus sécuritaires au monde!» assure Xavier Praz.
Pas nerveux non plus quand il les répare. Même quand il embarque sur le toit de la cabine.
«Les accidents sont rares. Souvent, c’est à cause des mécaniciens d’ascenseur. Par manque d’attention», reconnaît-il.
Le père de famille de 33 ans tâche de ne jamais oublier qu’il pratique un métier dangereux. Les risques de chute, d’écrasement et d’électrocution font partie de sa routine quotidienne.
La moindre distraction peut s’avérer fatale.




L’entreprise Ascenseurs Maxi est basée à Québec. Les appareils sont fabriqués dans le parc industriel de Duberger, juste à côté de l’écocentre.
Xavier et ses collègues mécaniciens sillonnent tout le Québec ou presque. Partout où montent et descendent les 800 ascenseurs en service de la compagnie. Maxi installe entre 70 et 80 ascenseurs neufs par année.
Il mène les représentants du Soleil au sommet de l’une des tours à condos de 18 étages de la Cité verte, développement immobilier de la Haute-Ville de Québec.
Vérification de routine des deux ascenseurs, leurs 38 portes et le reste. «Les portes, c’est le nerf de la guerre», dira-t-il, attentif à chaque détail visuel et sonore du roulement.
Casquette de la compagnie, jeans et t-shirt qui laisse paraître ses tatouages d’un scarabée ailé et d’une pieuvre scaphandrière. Tout son équipement tient dans son sac à dos.




Une fois juché sur le toit de la cabine, l’atmosphère est singulière.
Pénombre, poussière et silence relatif. Sauf pour les mouvements brusques de l’autre ascenseur situé à un bras de distance. On perçoit à peine l’activité du couloir.
Le contrepoids, masse métallique que les mécanos appellent «le tueur silencieux», aligne ses 144 plaques de chacune 33 lb (15 kg) empilées une par une.
Les six câbles d’acier d’un demi-pouce de diamètre font leur travail sans rechigner et tirent la cabine à une vitesse de 350 pieds par minute. C’est 6,4 km/h.
L’ascenseur principal de la plus haute tour au monde, le Burj Khalifa à Dubaï, file à 2000 pi/min (36 km/h). Moitié moins vite que celui du Centre financier Chow Tai Fook à Canton, en Chine, qui dépasse 4000 pi/min (73 km/h).
Au fond de chaque cage d’ascenseur: la fosse. Le fond. Lieu sombre que les mécanos rebaptisent la boîte à surprises ou la tirelire.
Là où se perd l’argent échappé dans la fente du plancher de la porte. Tombe un téléphone, des bijoux, une carte de crédit... un vibrateur portatif, énumère notre guide, de mémoire.
Aussi plein d’autres choses pas toujours ragoûtantes, comme des restes alimentaires, rebuts, rats morts et urine.




Les mécaniciens d’ascenseur fréquentent des lieux inusités.
Quand la salle mécanique se trouve sur le toit de l’immeuble, la vue est imprenable. D’ici, on voit les édifices du Samuel-Holland en face, les deux clochers de l’église du Très-Saint-Sacrement. Au sud la raffinerie de Lévis, à l’est le pont de l’île d’Orléans, au nord la montagne de Stoneham, où Xavier habite.
Le pont Pierre-Laporte a son petit élévateur étroit où n’entrent que trois personnes à la fois. Le panorama se révèle à couper le souffle une fois en haut des 35 étages à gravir du fleuve au sommet des piliers, témoigne-t-il.
Le théâtre Le Diamant de Robert Lepage, place D’Youville, possède l’un des plus gros monte-charges au Québec. Fort d’une capacité de 22 000 lb ou près de 10 tonnes, conçu pour déménager une scène complète sur sept étages!
Dans le même quartier du Vieux-Québec, mais à l’autre bout du spectre technologique, certains ascenseurs antiques roulant encore sur des rails en bois font de la capitale l’un des endroits avec le parc d’ascenseurs le plus âgé.

DESIGNER GRAPHIQUE
Nathalie Fortier, Le Soleil
DESIGNER GRAPHIQUE
Nathalie Fortier, Le Soleil