Éteindre des feux, allumer la magie de Noël

M. Hist,
Est-ce que la collecte de jouets organisée par les pompiers remonte à longtemps?
Erika
Chère Erika,
En cette période de l’année à Sherbrooke, c’est bien plus que le froid qui s’installe ou les décorations qui apparaissent en vitrine. C’est aussi la période où nos pompiers se transforment en véritables lutins du père Noël, perpétuant une tradition née il y a plus de 80 ans.

Tout commence en 1940, lors d’un incendie dévastateur sur la rue Saint-Édouard.
La rue St-Édouard, située entre les rues King et Marquette, n’avait pas très bonne réputation. La rue disparaîtra d’ailleurs pour laisser place au bureau fédéral de Postes Canada.
Après le sinistre, huit familles se retrouvent à la rue, avec pour seul horizon un hiver rude et sans abri. Face à ce drame, Léopold Lessard, pompier au grand cœur, décide d’agir. Il organise une collecte, non pas seulement de jouets, mais de tout ce qui pourrait aider: vêtements, matelas, meubles…
Dans les années qui suivent, l’initiative évolue. En 1944, la Jeune Chambre de commerce prend en charge la distribution des jouets, pendant que les pompiers s’occupent de les remettre en état. Marteaux, pinceaux et beaucoup d’huile de coude permettent de transformer les jouets usagés en petits trésors pour les enfants démunis. Une vocation est née: apporter un peu de magie aux familles dans le besoin.
En 1959, les pompiers reprennent les rênes de la collecte. Ils invitent toute la ville à faire preuve de générosité en donnant des jouets inutilisés. Même les détenus de la prison locale mettent la main à la pâte, réparant avec soin les jouets abîmés. Chaque jouet porte ainsi une histoire, une preuve tangible de solidarité.

L’opération prend de l’ampleur au fil des années. En 1960, les pompiers visent une collecte de 5000 jouets, mais en récupèrent finalement 8000! Ce succès donne lieu à une grande parade dans les rues de Sherbrooke, avec une quarantaine de véhicules, le père Noël en tête. La distribution des jouets devient un événement attendu, mobilisant pompiers, bénévoles et dignitaires.
Les années passent, mais l’esprit reste. Les poupées et tricycles des années 1970 laissent place aux jouets électroniques, et les jouets d’occasions sont progressivement remplacés par des jouets neufs. Une nécessité dictée par l’évolution des jouets modernes, mais aussi par la volonté de respecter les normes de sécurité.
(Photo La Tribune, 21 décembre 1970)
(Photo La Tribune, 21 décembre 1970)
Derrière cette œuvre, il y a des visages et des noms. Léopold Lessard, l’initiateur, a laissé un héritage que son fils Michel perpétue avec passion. Retraité du service des incendies, Michel est toujours fidèle au poste, épaulant ses anciens collègues pour que cette tradition perdure.
Aujourd’hui, les pompiers de Sherbrooke ne se contentent pas de collecter des jouets. Tout au long de l’année, ils organisent des levées de fonds pour acheter des jouets neufs, garantissant un Noël magique pour des centaines de familles. Et si vous souhaitez donner des jouets usagés? Les dons sont redirigés vers Estrie Aide, poursuivant leur mission d’entraide au sens large. Plus de quatre-vingt ans après l’incendie de la rue Saint-Édouard, les pompiers continuent d’embraser des étoiles dans les yeux des enfants. La campagne de jouets des Pompiers de Sherbrooke demeure active encore aujourd’hui, en 2024. Plus qu’un simple geste de générosité, cette collecte est devenue une tradition ancrée dans l’histoire, un témoignage de solidarité locale. Alors, pourquoi ne pas y participer?
À LIRE AUSSI
Conception graphique La Tribune, Cynthia Beaulne