Un fantôme dans des voûtes du centre-ville?

Bonjour M. Hist,
Les bâtiments du centre-ville sont si anciens, je ne peux pas imaginer qu’il n’y ait pas d’histoires de fantômes et d’esprits espiègles! Je connais déjà l’histoire du fantôme du Granada… Y en a-t-il d’autres?
Une lectrice épouvantée
Chère lectrice épouvantée,
L’Halloween est proche… Au détour de l’histoire architecturale du centre-ville, vous serez surprise d’apprendre que certains édifices semblent empreints de mystères. C’est le cas de l’ancienne Merchant’s Bank, dont les murs ont abrité plus que de simples transactions financières. Revenons à l’année 1882, lorsque la Merchant’s Bank ouvre ses portes sur un site des plus stratégiques, celui de notre hôtel de ville.
Un édifice plus tardif de la Merchant’s Bank situé sur la rue Wellington vers 1916, dont la façade s’inspire de celle du premier édifice de la rue Factory (Frontenac). Il est encore en place aujourd’hui, à côté du Théâtre Granada… qui a lui aussi son fantôme! (Photo Fonds Famille James Riddle Sangster, Mhist)
Un édifice plus tardif de la Merchant’s Bank situé sur la rue Wellington vers 1916, dont la façade s’inspire de celle du premier édifice de la rue Factory (Frontenac). Il est encore en place aujourd’hui, à côté du Théâtre Granada… qui a lui aussi son fantôme! (Photo Fonds Famille James Riddle Sangster, Mhist)
L’édifice de la Merchant’s Bank, abordant une façade qui ressemble à celle que l’on peut encore voir de nos jours 49 de la rue Wellington Nord, symbolise le dynamisme économique de Sherbrooke à l’époque. Cette banque prospère et inscrite comme un acteur clé dans le développement de la région. Cependant, la ville évolue rapidement, et le projet de réaménagement du carré Strathcona, où se situe la banque, scelle le destin du bâtiment. La décision est prise de le démolir pour faire place à de nouvelles constructions, dont le futur palais de justice (1904).
Avant même cette démolition, la banque déménage dans un édifice plus moderne et imposant, construit en 1898 dans un style Renaissance italienne, au coin des rues Factory et Market (les actuelles rues Frontenac et Marquette), le siège de la société Sun Life.
Et c’est ici que l’histoire prend une tournure insolite, celle d’un mystère qui hante encore certaines mémoires.
Les ouvriers chargés de démolir l’ancien édifice de la Merchant’s Bank commencent à témoigner d’étranges phénomènes. Une fois la nuit tombée, ils affirment entendre des bruits inexplicables. Ces sons se font surtout entendre près de la voûte. Superstitieux, plusieurs ouvriers refusent d’entrer dans le bâtiment après le coucher du soleil, persuadés que des esprits malveillants y rôdent.
D'après certaines croyances, les esprits qui hantent les espaces confinés, comme une voûte de banque, sont des âmes en peine, souffrant peut-être de méfaits passés. On raconte alors que ces esprits seraient peut-être ceux d’individus ayant commis des fautes financières graves, et cherchant à expier leurs péchés.

Le propriétaire de l’immeuble, M. Hawkins, ne l’entend pas de cette oreille. Pragmatique, il est convaincu que ces histoires d’esprits relèvent de l’imagination des ouvriers. Cependant, lorsqu’il tente de trouver un volontaire pour l’accompagner de nuit dans le bâtiment afin de démystifier la situation, personne n'accepte de se joindre à lui! Face à cette frayeur collective, les travaux de démolition n’ont d’autres choix que d’être limités au jour, à son grand désespoir.
Certaines personnes s’amusent un peu de la situation. En effet, dans la section It is whispered (L’on raconte) du Sherbrooke Daily Record publié le 25 février 1902, on «apprend» que: «le fantôme qui est revenu dans le coffre de l’ancienne banque pour son argent poursuit une quête désespérée». L’auteur de cette boutade se fend même d’une petite poésie, dont l’on pourrait traduire l’une des strophes par:
On dit de ce fantôme-là
Qu’il joue des tours joyeusement
Dans l’édifice qui fut autrefois
L’ancienne Banque des Marchands
This awful spook, some people claim / Does act a merry prank / Beneath the building lately used / By Sherbrooke’s Merchant’s Bank
L’édifice est détruit depuis maintenant plus d’un siècle; l’histoire ne dit cependant pas si le fantôme a suivi dans l’édifice Sun Life ou s’il pourrait encore, de temps en temps, rôder sur le terrain, c’est-à-dire dans les couloirs de l’hôtel de ville.
À LIRE AUSSI
Conception graphique La Tribune, Cynthia Beaulne