Un zoo au parc Victoria

Une grange dans laquelle étaient gardés quelques-uns des animaux qui ravissaient petits et grands en 1970. (Photo Fonds Ville de Sherbrooke, Mhist)

Une grange dans laquelle étaient gardés quelques-uns des animaux qui ravissaient petits et grands en 1970. (Photo Fonds Ville de Sherbrooke, Mhist)

M. Hist, j’ai cru entendre qu’il y avait un zoo au parc Victoria il y a quelques années? Ça me semble incroyable! Pouvez-vous m’en dire plus?

Cher lecteur,

Croyez-le ou non, il y a bel et bien eu un zoo au parc Victoria, et pas seulement un petit enclos pour quelques chèvres! Un véritable zoo, avec des ours, des singes, des paons et même (tenez-vous bien) un ours polaire! Eh oui, entre les années 1940 et 1979, Sherbrooke a son propre jardin zoologique, tout à fait authentique, niché au cœur de ce parc paisible. Mais commençons par le début…

Une cabane pour animaux fabriquée en rondins de bois en 1970. Le zoo compte alors plus de deux cent espèces d’animaux! (Photo Fonds Ville de Sherbrooke, Mhist)

Une cabane pour animaux fabriquée en rondins de bois en 1970. Le zoo compte alors plus de deux cent espèces d’animaux! (Photo Fonds Ville de Sherbrooke, Mhist)

Nous sommes en avril 1947 lorsque l’ingénieur municipal Jean-Charles Côté prépare pour la Ville un plan ambitieux: un zoo pour Sherbrooke, avec un gardien permanent et un investissement de 7000 $ de la municipalité. À l’époque, il s’agit d’une somme considérable. Mais la Ville semble prête à offrir une attraction nouvelle et excitante à sa population. Le zoo voit donc le jour quelques année plus tard, soit en 1949, et dès 1952, on y dénombre une vingtaine d’espèces animales. On peut alors y croiser chèvres, ours, chevreuils, coyotes… et même des singes! Des cages sont construites pour les loger durant les froids hivers québécois, juste au-dessus du stade de baseball. Les familles sherbrookoises viennent y flâner, émerveillées par cette faune exotique, le tout gratuitement dans les années 1950.

Mais tout n'est pas aussi paisible que les doux cris des chevreuils pourraient le laisser penser. L’été 1957 réserve un épisode digne des meilleurs films d’espionnage. Le 30 juillet, le journal La Tribune publie un article intitulé «Les animaux du zoo de Sherbrooke "libérés"» après que deux reporters eurent décidé de tester la sécurité du zoo en s’y introduisant en pleine nuit. Ils réussissent à se faufiler dans l’enceinte à minuit moins une… et y restent une bonne heure et demie sans jamais croiser une patrouille de police! Autant dire que les affirmations concernant la sécurité nocturne en prennent un sacré coup. La sécurité des animaux demeurera d’ailleurs une préoccupation majeure jusqu’à la fin de l’histoire de ce zoo.

Le zoo du parc Victoria a déjà compté plusieurs dizaines d’espèces d’animaux différents. Des cages sont visibles sur cette photo de 1974. (Photo Fonds Ville de Sherbrooke, Mhist)

Le zoo du parc Victoria a déjà compté plusieurs dizaines d’espèces d’animaux différents. Des cages sont visibles sur cette photo de 1974. (Photo Fonds Ville de Sherbrooke, Mhist)

Cela dit, toujours au cours des années 1950, le zoo continue de grandir: en 1954, il compte déjà 110 espèces animales. Mais le temps et l’argent jouent souvent les trouble-fêtes, et le zoo du parc Victoria n’y échappe pas. Les coûts de fonctionnement s’élèvent alors à près de 13 000 $ par an, une somme assez considérable pour une petite ville comme Sherbrooke. Malgré ces difficultés, le zoo prospère encore un temps, atteignant en 1971 un impressionnant cheptel de plus de 200 animaux.

Mais c’est à cette époque que les premières rumeurs de fermeture commencent à circuler. Face aux problèmes de financement et aux préoccupations sur le bien-être des animaux, la Ville et le Cégep tentent de sauver le zoo avec diverses mesures, dont une réorientation de ce qui est accueilli et présenté. En effet, au début des années 1970, sous l’impulsion d’étudiants en Techniques de sciences naturelles du Cégep de Sherbrooke, le zoo entreprend de se départir de ses espèces exotiques pour mettre de l’avant les animaux indigènes. Malgré tout, en juin 1979, les derniers animaux furent déplacés vers d’autres zoos ou vendus à des acheteurs privés.

Ainsi, le zoo du parc Victoria, qui a enchanté plusieurs générations, ferme définitivement ses portes après 32 ans d’existence. Aujourd’hui, il ne reste plus que quelques souvenirs épars, quelques enclos et, hélas, très peu de photos...

Chers lecteurs, chères lectrices, si vous en possédez, n’hésitez pas à contacter le Musée d’histoire de Sherbrooke: vous pourriez ainsi contribuer à garder en vie cette tranche fascinante de l’histoire de Sherbrooke! Qui sait? Peut-être que lors de votre prochaine promenade au parc Victoria, en écoutant attentivement, vous entendrez encore l’écho lointain d’un cri d’ours polaire…

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  • Conception graphique La Tribune, Cynthia Beaulne