UNE ODEUR DE CHOCOLAT SUR L'AUTOROUTE 410

Cher M. Hist,
Je crois me souvenir dans les années 1980 d’une odeur de chocolat près de l’autoroute 410…
Cher lecteur,
Mais non, votre odorat ne vous a pas trompé! Quoi que peut-être, êtes-vous influencé par l’arrivée prochaine de Pâques?
Cela dit, il s’agit d’une délicieuse occasion d’apprendre – ou de rappeler – à nos lecteurs que, pendant près de trois décennies, du chocolat a été produit dans ce secteur de la ville. Il s’agit de la compagnie américaine Lowney’s, née à Boston vers 1880 et spécialisée dans la confection de friandises à base de chocolat. Il faut attendre le début du XXe siècle pour que la première fabrique traverse la frontière et s’implante à Montréal, en 1905.
L’entreprise arrive à Sherbrooke au tournant des années 1960, ce qui fait d’elle l’une des grandes manufactures de cette période à élire domicile dans notre ville au passé industriel si fameux. Elle s’implante sur le terrain d’une ancienne ferme, la ferme Graham.
Mais pourquoi avoir choisi cet endroit pour produire du chocolat? Le choix n’est pas innocent. Le site se tient à la proximité des principaux axes de circulation, c’est un lieu idéal à partir duquel recevoir et expédier des marchandises, au coin sud-ouest de l’actuelle autoroute 410 et de la rue King, à proximité de l’actuel supermarché Avril.
L’implantation affectera non seulement les narines des passants, mais aussi la toponymie : il est dit que l’usine est sise au 1, Avenue Lowney's.


Une travailleuse de la Lowney's sur la chaîne de production des fameuses petites boîtes jaunes des Cherry Blossom. (Photo Fonds de la Ville de Sherbrooke, Mhist)
Une travailleuse de la Lowney's sur la chaîne de production des fameuses petites boîtes jaunes des Cherry Blossom. (Photo Fonds de la Ville de Sherbrooke, Mhist)
Au cours de ses années d’activités, l’usine de Sherbrooke emploie plus d’un demi-millier de personnes et expédie annuellement pas moins de 50 millions de livres de produits parmi lesquels ont compte les OH’Henry!, Cherry Blossom et Glosettes…
Mais l’histoire du site n’a pas toujours été aussi sucrée. Du mois d’août jusqu’au mois de septembre 1976, les travailleurs de la Lowney's réclament une hausse de leur salaire et se mettent en grève. Le salaire moyen dans l’entreprise est alors de 3,73$ de l’heure, ce qui est dangereusement proche du salaire minimum au Québec à l’époque (2,87$ de l’heure au 1er juillet 1976).
L’usine, propriété du groupe Hershey's depuis 1978, ferme définitivement ses portes au début de l’été 1989. Les installations sont vendues à la Ville, mais celle-ci ne se lancera pas dans la production de chocolat. Elle revend plutôt l’usine et une partie du terrain à Bombardier et l’Avenue Lowney's devient la rue J.-A. Bombardier. «C’est fini les douces odeurs de chocolat», peut-on lire dans La Tribune du 30 juin 1989, qui évoque «des gens avec le cœur aussi gros qu’une Cherry Blossom».
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Conception graphique, Cynthia Beaulne