Vivre en français à Ottawa:
les jeunes sont au poste!

Les jeunes francophones sont aux premières lignes de la lutte pour protéger le fait français à Ottawa. Ils veulent que leur ville soit francophone et nombreux sont ceux qui mettent de l’avant des projets et des initiatives pour préserver le fait français dans cette ville qui se veut bilingue, mais qui ne l’est pas toujours, sur le terrain, comme l’explique cette série du Droit consacrée à la réalité linguistique de la capitale.

Virginie Comeau et Baraa Lamine vont, respectivement à l’école secondaire catholique Garneau et l’école secondaire publique Pierre-de-Blois, et brandissent fièrement leur identité francophone.

Virginie Comeau, élève en 12e année, baigne depuis sa naissance dans un contexte francophone en situation minoritaire. À la maison, elle ne parle qu’en français, et participe régulièrement à des activités en français.

Pour elle, le français est un privilège à protéger et à valoriser. «Nos ancêtres se sont battus pendant des générations pour que nous puissions parler notre langue aujourd’hui», soutient-elle avec conviction.

«Je crois qu’on devrait vraiment utiliser cette fierté-là dans notre vie quotidienne», affirme pour sa part, Baraa Lamine, aussi en 12e année.

Virginie Comeau / Le Droit, Mario Boulianne

Virginie Comeau / Le Droit, Mario Boulianne

Baraa Lamine / Le Droit, Simon Séguin-Bertrand

Baraa Lamine / Le Droit, Simon Séguin-Bertrand

Amoureux de la langue française depuis sa tendre enfance, il voit la maîtrise du français comme bien plus qu’une langue à utiliser tous les jours, mais comme un geste politique dans cette lutte pour préserver la culture francophone dans un contexte minoritaire.

«Il y a ceux qui parlent le français et ceux qui se battent pour la francophonie dans un contexte minoritaire ici au Canada. Et moi, je suis une personne qui se bat pour la francophonie en contexte minoritaire», affirme-t-il.

Engagement dans
la francophonie,
le déclic

Virgine Comeau est animée par l’énergie des membres de la communauté qui affirment haut et fort leur identité francophone, comme Céleste Lévis, chanteuse franco-ontarienne. «C’est une personne remarquable», lance-t-elle. «Ce sont des personnes [comme elle], qui m’ont inspirée à vouloir m’impliquer davantage dans ma communauté francophone, au-delà de tout simplement parler français.»

Elle reconnaît l’importance des leaders francophones qui souhaitent faire bouger les choses. «Ça n’a pas besoin d’être des adultes», avance Virginie Comeau qui soutient avoir été admirative d’une ancienne camarade d’école, Justine Perrault, très militante.

Cette dernière a joué un rôle important dans la décision de Virginie Comeau de poursuivre cette lutte pour le fait français en Ontario.

«[Au primaire], c’était une leader positive qui incluait tout le monde dans tout ce qu’elle faisait», se rappelle-t-elle.

Virginie Comeau et Baraa Lamine / Le Droit, Mario Boulianne

Virginie Comeau et Baraa Lamine / Le Droit, Mario Boulianne

«Ce ne sont pas tous
les élèves qui reconnaissent l’importance de parler
la langue, la culture francophone et tous
ses référents.»

- Virginie Comeau -

De son côté, Baara Lamine, arrivé de France en 2018, a compris très vite les enjeux et les défis des francophones en situation minoritaire. Par exemple, lorsqu’il a consulté des médecins ou du personnel du réseau de la santé, il s’est rendu compte que là où il allait, ça se passait seulement en anglais.

«Je me suis dit qu’il fallait continuer à se battre: pourquoi est-ce qu’on ne peut pas parler en français alors que c’est notre droit d’avoir des services autant en anglais qu’en français?», dit-il, indigné. «C’est là que ce déclic est arrivé. Je me suis dit qu’il fallait que je fasse quelque chose moi-même.»

Bien plus qu’une langue: une culture
et une histoire

Bien que leur entourage communique essentiellement en français, Baraa et Virginie remarquent que bien des jeunes de leur génération manquent de sensibilisation par rapport au fait français.

Pour Virginie, il s’agit de vivre en français, de s’imprégner de la culture, des traditions, des artistes et des références francophones.

Toutefois, Baraa Lamine ajoute que l’insécurité linguistique joue un rôle important. Les jeunes francophones ne se font pas confiance, même s’ils connaissent bien leur propre langue. «Beaucoup d’élèves dans mon entourage parlent beaucoup plus en anglais », dit-il. « Ils se sentent un peu menacés.»

Pour contrer cette tendance, Baraa et Virginie insistent sur l’importance de sensibiliser les élèves à l’histoire et à la culture des communautés francophones en Ontario, mais aussi à travers le Canada.

Baraa Lamine mentionne le Règlement 17 en Ontario, qui interdisait l’enseignement en français au début du XXe siècle, comme un exemple marquant des batailles menées par les générations précédentes.

«C’était vraiment une grande bataille pour les Franco-Ontariens et il faut que les gens soient conscients de cela, mentionne-t-il. Parce que si on ne comprend pas notre passé, comment est-ce qu’on veut comprendre notre présent et comment est-ce qu’on veut comprendre le futur de la francophonie.»

Baraa Lamine / Le Droit, Simon Séguin-Bertrand

Baraa Lamine / Le Droit, Simon Séguin-Bertrand

Les gardiennes de l'école Guigues d'Ottawa, en 1916 qui ont lutté pour l'enseignement du français à l'école. / Université d’Ottawa, CRCCF, Fonds Association canadienne-française de l’Ontario (C2), Ph2-954

Les gardiennes de l'école Guigues d'Ottawa, en 1916 qui ont lutté pour l'enseignement du français à l'école. / Université d’Ottawa, CRCCF, Fonds Association canadienne-française de l’Ontario (C2), Ph2-954

Un avenir porteur d’espoir

Virginie et Baraa sont tous deux optimistes face à l’avenir de la francophonie. Ils garantissent que leur travail dans la communauté francophone ne s’arrêtera pas après la réception de leur diplôme au secondaire.

«Je dirais que l’avenir francophone va vraiment dépendre des générations futures, mais aussi de nous, défend Virginie Comeau. Comment est-ce qu’on peut les influencer à embrasser la langue française?», se demande-t-elle, ajoutant qu’elle espère que ses initiatives, prises dans cette optique, pourraient inspirer les prochaines générations.

Même son de cloche pour Baraa Lamine. «Nous sommes des ambassadeurs de la langue française. On se bat non seulement pour la place actuelle de la langue française, mais aussi pour les générations futures.»