ARIZONA
VOL AU-DESSUS D'UN GRAND CANYON

JONATHAN CUSTEAU
Le Bourlingueur
L’ombre s'étendait doucement sur la Bright Angel Trail, le sentier qu’on nous avait recommandé pour nous enfoncer en peu de temps dans le Grand Canyon. De loin, le bruit d’un rotor nous parvenait. Dans la lumière encore éclatante, au-dessus de la rivière Colorado, volait, à peine plus gros qu’une tête d'épingle, un hélicoptère.
L’idée de survoler le Grand Canyon, tout à coup, nous plaisait. Rien de prémédité. Juste cette euphorie d'être là, à randonner sur les flancs d’une des merveilles naturelles du monde, à se dire: pourquoi pas? Un soupçon de FOMO (fear of missing out - la peur de rater quelque chose), peut-être? Après quelques heures à peser le pour et le contre, à laisser macérer, nous avons décidé de nous lancer.
Deuxième arrêt d'un roadtrip en Arizona: le Grand Canyon.
Deuxième arrêt d'un roadtrip en Arizona: le Grand Canyon.



LES POUR ET LES CONTRE
Le pour, de tout évidence, c’est de toucher l’inaccessible, de voir d’en haut une partie d’un canyon immense qui mesure 446 kilomètres de long et qui peut atteindre 1857 mètres de profondeur. Difficile d’en prendre la mesure aussi bien qu’en le survolant. Aussi, à moins d’avoir les aspirations d’un pilote, combien de fois aurez-vous l’occasion de monter dans un hélicoptère?
Les contre dépendent de chacun. Le budget, d’abord, constitue le principal obstacle. À 270$US pour 25 à 30 minutes ou 400$US pour 40 à 50 minutes, le poids financier devient proportionnel à la taille du groupe. Surtout qu’on ne peut pas choisir son siège dans l’appareil.
La répartition des passagers se fait de manière à répartir le poids. Soyez avisés, on vous pèsera à votre arrivée à l’héliport... Même en payant un supplément pour obtenir la priorité sur un siège à l’avant, il est possible qu’on vous relègue sur la banquette arrière, sécurité oblige. Le pire fauteuil: celui du centre, dos au pare-brise. Prendrez-vous la chance d’une vue obstruée pour le même prix que les autres passagers?
À noter qu’un nombre minimum de visiteurs est aussi nécessaire pour chaque vol. On pourrait donc modifier l’horaire choisi sans préavis.
Avec tout ça en tête, nous avons pris le risque.
Après le visionnement d’une vidéo de sécurité, on nous installe dans l’hélicoptère en fonction de notre siège assigné. Le mien: contre une fenêtre à l’arrière. On s’assure de nous attacher et on nous pose un casque sur les oreilles. Surprise: c’est avec la trame sonore du Parc jurassique qu’on prend notre envol.
Dans nos oreilles, on nous envoie une narration dans la langue de notre choix. Elle est entrecoupée de pièces musicales, notamment Charriots of fire et La isla bonita.
Après quelques minutes à survoler la forêt, on y arrive. Le sol se dérobe, les rochers plongent: le canyon se déploie. On aperçoit la rivière sinueuse, les plateaux parcourus de pistes minuscules, et les différentes couches du sol dans leurs teintes de rouge. Pure magie.
Par le fruit du hasard, notre pilote était en formation ce jour-là. Nos 25 minutes en ont duré 50. En conséquence, on réalise que peu importe la durée du vol, le temps passera très vite. Sauf que l’apprenti-pilote en question répond à une question de son instructeur par: «En ce moment, par cœur, je ne me souviens plus.»
La question? «Le voyant, ici, est passé au rouge. Comment faire pour le ramener au vert?»
Là, le vertige, il m’a pris un brin.
Mais rassurez-vous, le pilote, il a géré. Et nous nous sommes posés un peu en apesanteur, charmés par notre expérience. Aucun regret.
Au moins deux compagnies offrent des vols en hélicoptère : Papillon et Maverick. Les tours en avion coûtent généralement moins cher.



SOUS LES ÉTOILES
La beauté du Grand Canyon, on la constate aussi à travers toutes sortes d’activités gratuites. Enfin presque. Pour entrer dans le parc, à moins d’avoir sa carte America the beautiful, qui donne accès à tous les parcs nationaux des États-Unis pendant un an, on chargera 35$ par véhicule pour un billet valide sept jours.
Une fois sur place, sur la rive sud, le centre des visiteurs constitue un arrêt intéressant pour regarder une vidéo ou pour des conseils adaptés pour notre horaire. C’est là qu’on a découvert l’activité d’observation d'étoiles, gratuite, avec un guide-interprète.
À 19h, à ce même centre des visiteurs, on nous attendait pour nous amener quelques mètres plus loin, sous un ciel assez exempt de pollution lumineuse pour que scintillent des milliers de petits lampions. Au Grand Canyon, comme à Sedona et à Flagstaff, on se trouve en zone de réserve étoilée.
«80% des Américains ne peuvent pas voir la Voix lactée de leur maison»,
D’un laser vert, il pointe ensuite l'étoile polaire et raconte comment les chauve-souris, les tortues, les bousiers et certains papillons s’orientent avec les étoiles. De l’astrologie aux légendes, il aborde aussi l'histoire derrière plusieurs constellations.
Et de l’autre côté du canyon, cette lueur blanchâtre, ce halo, il vient d’où? De Vegas! La ville du vice, à plus de 230 kilomètres de là à vol d’oiseau, assure-t-il, étend ses tentacules lumineuses beaucoup plus loin qu’on pourrait le croire.
Observer les étoiles au Grand Canyon: un autre moment inoubliable.




UNE TOUR SURPRENANTE
En conduisant vers l’est, la Desert View Watchtower représente selon moi l’autre incontournable gratuit. Construite en 1932 en s’inspirant de l’architecture traditionnelle des peuples Pueblos, elle offre une jolie vue sur le canyon.
À l’extérieur, des miroirs sont installés pour offrir une perspective unique sur le canyon. À l’intérieur, l’art mural de la nation Hopi est particulièrement impressionnant. Il représente la vie physique et spirituelle de la nation en racontant notamment des légendes, en illustrant un mariage ou en répliquant des pétroglyphes.



EN RANDONNÉE
Au Grand Canyon, l’activité par excellence demeure la marche. Mais attention, attaquer un canyon, c’est dépenser son énergie d’abord pour la portion «facile» de la descente. Plusieurs randonneurs surestiment leurs capacités. Eau et collations peuvent être d’un grand secours.
Sans effort, on peut longer le bord du canyon. Sinon, la Bright Angel Trail permet de croiser des mouflons et compte une vingtaine de kilomètres pour l’aller-retour. Mieux vaut prévoir des pelures d’oignons pour s’adapter au climat selon le dénivelé.
La South Kebab Trail ne compte pas d’ombre ni de point de ravitaillement en eau. Elle est plus courte, avec 10 km pour l’aller-retour.
Quatre minibus gratuits relient les points d’intérêt, notamment le centre des visiteurs et l’entrée de sentiers.
En hélicoptère, en voiture, ou à pied, peu importe, tout mène à la contemplation.
Le journaliste était l'invité de Visit Arizona et de Blacksford.
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Conception graphique La Tribune, Cynthia Beaulne
