23e ÉDITION — DÉCEMBRE 2024


Camille Audette
Collège Saint-Alexandre
Réinventer le bien
Entre les arbres, les missiles, les barreaux d’une cage, au cœur d’un décor qui est tout ça en même temps, c’est une pièce magnifique qui se déploie. Faire le bien nous transporte dans une comédie dramatique à l’intelligence effarante, sous la mine acérée de Claude Poissant et de neuf finissants de différentes écoles de théâtre, réalisée dans le cadre d’une collaboration entre le Théâtre du Rideau Vert et le Théâtre français du CNA.
Leur plume critique, avec une lucidité délicieuse, les essais maladroits et parfois pathétiques de l’humanité dans le but d’arriver à « faire le bien » à l’heure de la précaution maladive, de la volonté absolue de ne jamais blesser, où certains scanderont la fameuse réplique « on peut pu rien dire! ». Une pièce ornée d’un brin de folie, rangée entre deux manques de temps dans la folle nouvelle ère d’un monde déjà fou.
Complexe et intelligente
L’œuvre se déroule dans un décor polyvalent, absolument brillant, laissant place à l’imagination tout en démontrant bien les tourmentes qui se cloitrent au sein des personnages, les confinant dans leurs troubles jusqu’à les faire exploser. Une toile de fond parfaite pour une œuvre complexe, voire intelligente. Tantôt rieuse, tantôt lourde, tantôt aigre-douce, elle est tout à la fois.
En plusieurs tableaux, peut-être un peu trop nombreux et méritant de meilleurs liens entre eux, les neuf comédiens dépeignent avec justesse et authenticité des enjeux sociétaux importants. On jurerait que ce sont eux qui les vivent ou bien seraient-ce des miroirs qu’ils jouent? Parce qu’en eux on se reconnait tous quelque part.
Les nouvelles visions
Faire le bien nous propose de nouvelles visions du monde, nous amène des réflexions profondes entre deux rires de toutes les nuances de gris. On aborde entre autres le féminisme, le pouvoir de l’argent, l’amour, la parole « impeccable », l’itinérance, même la pandémie, tout en lyrisme et violoncelle. Et on consacre un tableau à la guerre; un tableau essentiel, tout peint en vérité; le seul tableau sans rires, le seul tableau irrégulier, qui n’a pas vraiment sa place toute taillée dans la pièce. Parce que la guerre n’a pas sa place dans la société non plus.
Au fil des tableaux, le décor en évolution se densifie, les tableaux et les comédiens concentrent la latence de leur fièvre d’inquiétude et, en chœur, nous coupent le souffle en une finale organique : ils nous lancent un cri du cœur à en déchirer l’idée du tissu social idéal qu’on se construit à force de mirages et d’illusions.
Faire le bien est un baume à guérir les questions en nous faisant nous en poser davantage. Un panneau de signalisation contradictoire dans « l’intersection compliquée » qu’est notre passage éphémère sur cette Terre. L’esquisse d’un petit monde psychotique, l’essence du nôtre. Un portrait magnifique, en humour et poésie, de notre société. Car tout le monde sait que l’art imite la réalité. « Ou bien est-ce la réalité qui imite l’art? »